Khôra est le nom grec d'un lieu abstrait, hétérogène, qui ne se présente jamais comme tel, qui ne peut ni s'expérimenter, ni se révéler, un lieu qui n'est rien - pas le Rien du Dasein, porteur d'angoisse (qui ouvre à la question de l'être), mais rien d'étant, rien de présent, rien d'appropriable par aucune instance, qu'elle soit anthropologique, théologique ou religieuse, un lieu désertique, immémorial, "sans seuil ni deuil".

[De quoi s'agit-il?] "Avant" le désert que nous connaissons (celui du retrait, de la mort de Dieu, des religions historiques) vient ce désert dans le désert, ce lieu de bifurcation entre ce qui est de l'ordre du révélé (événement, révélation - des Grecs, aux chrétiens et à Heidegger : l'au-delà de l'être) et ce qui est de l'ordre du révélable ou de la révélabilité (la possibilité ou la virtualité de l'événement; un tout-autre, un en-deça de toute opposition, qui résiste à l'homme, à l'histoire autant qu'à dieu, à l'être et au bien).

Face à cette bifurcation, Jacques Derrida avance la notion d'une autre tolérance, une nouvelle tolérance qui respecterait l'indécision entre ces deux originarités, qui s'accorderait à l'expérience du désert dans le désert.