Ce qu'on appelle aujourd'hui mondialisation (l'hégémonie mondiale d'une langue qui n'est pas le latin, mais l'anglo-américain) est selon Jacques Derrida un étrange et énigmatique phénomène d"universalisation. Des mots latins du vocabulaire religieux comme "religio", "culte", "foi", "croyance", "sacré", "saint", "sauf", "indemne" (heilig, holy, etc...) renvoient à une situation historique unique, intervenue dans un idiome particulier (le latin). En tant qu'il renvoie à des pratiques discursives uniques, le mot religio est intraduisible; et pourtant on trouve ce mot (religion) dans de très nombreuses langues.

Bien que nous n'en percevions pas les limites, la mondialatinisation est un événement unique, fini, irréductible à une question de langue ou de culture. Il n'y a pas de métalangage pour la désigner. Dans cette culture "hyper-impérialiste" qui s'impose par le droit international et la rhétorique politique mondiale, le christianisme, le capitalisme et les technosciences se rejoignent. La guerre des religions se trouve dans son élément. Et pourtant cette mondialatinisation s'essoufle, elle prendra fin un jour.

Il n'y a pas de religion sans alliance, promesse de vérité (veritas en latin), qui appelle une réponse, une foi jurée - mais cette foi n'implique pas nécessairement une croyance en Dieu, ou l'adhésion à une institution identifiable. Ce peut être l'expérience d'une fiabilité ou d'une confiance en général.