Il dit une première fois, énigmatiquement "le circoncis est le propre" (p145), c'est daté du 30-12-76, et il répète le lendemain, le 31-12-76, "pour se rendre encore plus propre, c'est-à-dire circoncis". Ce n'est pas à prendre au premier degré. On dit dans la tradition juive que la circoncision est ce qui rend complet, mais elle n'est ni une purification, ni un nettoyage, ni une ablution. Elle proclame qu'il y a du propre, tout en faisant le contraire. Ne serions-nous pas, tous autant que nous sommes, circoncis ou non, du jour de notre naissance, frappés d'exappropriation, comme une sorte de faute originelle?

Pourquoi autofellocirconcision? A chaque circoncision, il est prescrit de préparer une chaise pour le prophète Elie, auquel Dieu a promis qu'il serait présent à toutes les circoncisions pour les générations à venir [Zohar I 93a. Le Zohar commente le verset (Rois I 19:10) dans lequel Elie dit à Dieu : "J'ai fait éclater mon zèle pour toi, Seigneur, Dieu-Cébaot, parce que les enfants d'Israël ont répudié ton Alliance". Le Zohar affirme que Dieu a répondu : "Par ta vie, chaque fois que ce signe sacré sera gravé dans la chair de mes enfants, tu seras là pour en témoigner. La bouche qui dit que les enfants d'Israël ont abandonné l'Alliance témoignera que les Enfants d'Israël la respectent.]. Derrida étant lui-même prénommé Elie, il est le prophète, il assiste à sa "propre" circoncision.

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Avec son néologisme autofellocirconcision, Jacques Derrida associe fellation et circoncision. Que dire de ce néologisme? On peut le lire comme un fantasme qui s'énoncerait à peu près comme suit : Je me circoncis moi-même de mes propres lèvres, je me suce, j'avale le sang, le sperme et le vin. C'est le résultat d'un déplacement : d'abord sa mère, puis le circonciseur, puis lui-même. Mais on peut aussi le lire comme un concept, qui inscrit en un certain lieu du corps l'auto-hétéro-affection universelle.