Derrida, si peu juif dans sa vie, s'affirme pourtant le dernier des juifs. Pourquoi? A cause d'un positionnement paradoxal où, dit-il, "le moins peut le plus" . Si le Juif le moins juif peut prétendre au titre de Juif authentique, si celui qui trahit le plus peut prétendre à la requête la plus hyperbolique, c'est à cause d'une loi apparemment antinomique, obscure. A condition de rompre avec un certain type de lien (communautaire, national, étatique, religieux) [c'est-à-dire de devenir ce qu'on appelle ici un Juif non communautaire], on peut être fidèle à une exigence encore plus démesurée : "une responsabilité universelle et disproportionnée devant la singularité de tout autre". Le MOINS devient le PLUS. C'est la loi de supplémentarité ou d'hétérogénéité disséminale que Derrida a découverte dès le début de son travail. Rompant avec un certain héritage, il l'assume de manière encore plus hyperbolique ("hyperéthique, hyperpolitique et hyperphilosophique", dit-il). Le moins est la condition du plus, le parjure conditionne la fidélité à plus d'un.