Dans la peinture issue de la Renaissance, la profondeur est une construction, une illusion perceptive. Qu'elle soit suggérée par la construction perspective, par les ombres ou par le contraste des valeurs, c'est un artefact. Mais cette mathématisation de l'espace cache un autre type de profondeur, inépuisable, qui s'attache à toute forme de vision ou de figure. C'est celle que Cézanne a voulu restaurer contre les "effets" impressionnistes (trop faciles à son goût). C'est celle que Braque et Picasso ont voulu sauver, malgré leur renonciation à la construction perspective. C'est celle que les peintres modernistes comme Olitski ou Rothko ont recherchée avec une persévérance quasiment mystique.
Une force orientée émane d'un bleu, d'un rouge, d'une courbe ou d'une verticale. Elle fait signe, elle suscite une ébauche de mouvement dans le corps. Elle est porteuse d'un sens, d'une épaisseur dont la signification n'est pas donnée, mais transcendante. Cette profondeur est vécue. Elle s'adresse au sujet, mais d'une façon dont nous ne savons rien.
|