Jacques Derrida exprime des doutes sur la possibilité même d'un athéisme radical, d'un désenchantement qui interromprait toutes les sources de la religion. Quand Blanchot ou Lévinas vont dans ce sens, ce qu'ils proposent est un autre genre de sanctification : non-rapport à l'autre ou au grand Autre.

Il faudrait, pour approcher d'un tel athéisme, changer de lexique. Citant Lévinas et la distinction du sacré et du saint, Jacques Derrida évoque la sainteté du kidouch. [Le kidouch est la cérémonie du vendredi soir par laquelle le Juif entre dans le shabbat. Elle rappelle (Gen 2) : Le septième jour, Dieu a clos l'œuvre qu'Il avait accomplie. Il fit cessation, au septième jour, de tout ouvrage qu'Il avait accompli. Et Dieu bénit le septième jour et le proclama saint, parce qu'en ce jour, Il fit cessation de toute l'œuvre qu'Il avait créée et de tout l'ouvrage à accomplir. On prononce une bénédiction, on boit un verre de vin. C'est un temps d'arrêt, de séparation. En termes derridiens, on pourrait dire : de blancheur].

Dans Foi et savoir, il ne développe pas ce point, mais il en fera une analyse plus poussée dans Adieu à Emmanuel Lévinas. Le mot "éthique", dira-t-il alors, n'est qu'un pis-aller grec pour traduire le discours hébraïque sur la sainteté du séparé.