Pour illustrer sa théorie de l'ordre symbolique (logique du signe, intersubjectivité), Lacan choisit de commenter le texte d'Edgar Poe, La lettre volée. Il y prélève deux dialogues, tous deux organisés triangulairement, qu'il qualifie de politique de l'autruiche, et laisse tomber tout le reste : les détails du texte qui n'entrent pas dans sa triangulation, la narration elle-même, ce que le narrateur ajoute (remarques, exclamations), la position du narrateur (quatrième homme nécessaire à la fiction mais négligé par Lacan comme s'il était neutre, transparent, simple réceptacle), la structure complexe de la scène d'écriture, bref tout ce qui déborde (parergon). Il découpe le récit de Poe, il le borde et le cadre à sa façon pour le réduire à une représentation sur laquelle il focalise l'attention.

Lacan trouve ce qu'il cherche : confirmer son savoir. C'est sa vérité à lui qui habite la fiction. Dans l'histoire de Poe qu'il réduit à un simple contenu (le drame réel), il trouve son propre message, sa propre lettre. D'ailleurs Freud n'opère pas différemment quand il analyse un conte d'Andersen : il dévoile une vérité qui était déjà en lui (Freud). Dans son travail interprétatif, la psychanalyse appliquée découpe un contenu sémantique. Elle "déchiffre" le texte pour en extraire le message, la vérité.