Derrida aborde l'oeuvre d'art par ses parages, ses entours. Le passe-partout est l'un d'eux, de même que le cadre, la signature, le titre, le musée ou le marché. Mais qu'est-ce qu'un passe-partout? Un objet bien connu des encadreurs : ce carré de carton, généralement vierge, qu'on glisse entre l'oeuvre et son cadre. [L'interposition de cet espace vide, blanc, entre ce qu'on veut mettre en valeur et les bordures supposées externes nous dit : Ceci est une oeuvre - comme si, justement, on pouvait en douter, comme s'il y avait le risque que, sans cet espace interposé, nous confondions l'oeuvre et le reste, le non-oeuvre].

Ce livre, la Vérité en peinture, peut être considéré comme la démultiplication sans fin des passe-partout : copyrights, pages de garde, exergues, parerga, moulages, esquisses, copies, cartouches et mises en série des souliers.

On prend le passe-partout pour une chose, mais il est une greffe, un parasitage, un espace indéfini entre bordure interne et bordure externe.

Il y a toutes sortes de passe-partout. Par exemple ce qui fait événement, ce qui écarte la figure et la forme, le fond et le contenu. La formulation de Cézanne sur la Vérité en peinture en est un, elle aussi.

Derrida généralise la fonction du passe-partout. Mais ne nous y trompons pas : il n'est pas une clé universelle (dit-il). Il n'ouvre pas toutes les portes (dit-il).

Définition du passe-partout par des professionnels de l'encadrement : Le passe-partout est l’interface entre l’oeuvre et l’extérieur. C'est l’élément de liaison entre le sujet, le cadre et le fond sur lequel ce dernier est accroché. Il créé un espace autour de l’image lui permettant de “respirer" et de prendre toute son authenticité.