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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
Derrida, le performatif | Derrida, le performatif | ||||||||||||||||
Sources (*) : | Derrida, le langage | Derrida, le langage | |||||||||||||||
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 22 juin 2008 | Un performatif tout autre - aujourd'hui | [Derrida, acte de parole ou de langage, performatif] |
Un performatif tout autre - aujourd'hui | Autres renvois : | |||||||||||||
Derrida, l'invention |
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Derrida, religion, théologie |
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Derrida, renvois et citations |
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La pensée derridienne : ce qui s'en restitue | La pensée derridienne : ce qui s'en restitue | ||||||||||||||||
Orlolivre : comment ne pas œuvrer ? | Orlolivre : comment ne pas œuvrer ? | ||||||||||||||||
1. Performatif austinien, derridien. Dans son recueil de conférences How to do things with words? , J. L. Austin s'interroge sur la façon dont on peut agir avec les mots. Quand une phrase constative est prononcée, elle est soit vraie, soit fausse. Mais quand il s'agit d'une phrase performative, Austin explique qu'elle peut être heureuse ou malheureuse : malheureuse si elle échoue, et heureuse si elle réussit. Supposons que quelqu'un prononce la phrase : La séance est ouverte. Quelles sont les conditions à remplir pour que la phrase soit heureuse, c'est-à-dire que la séance s'ouvre effectivement? Il faut (1) que le sujet parlant soit présent, (2) qu'il ait l'intention d'ouvrir cette séance (il est sérieux), (3) que les circonstances soient appropriées, (4) qu'il y ait une séance à ouvrir, (5) que le locuteur ait le pouvoir légitime de l'ouvrir, (6) qu'il le fasse de manière correcte, (7) conformément aux conventions admises, etc... La liste des cas pouvant aboutir à l'échec est longue. Austin en analyse certains et en exclut d'autres (les cas "non-sérieux"), et se montre finalement sceptique sur la possibilité d'établir des règles générales. Si Jacques Derrida a beaucoup polémiqué contre certains successeurs (auto-proclamés) d'Austin (comme John Searle), il n'a pas contesté la pertinence de cette classe d'énoncés. Il y a effectivement des actes de langage, mais leur structure, selon lui, n'est pas à rechercher du côté de la conscience de l'émetteur ou des destinataires du message, mais du côté de la structure même de l'écriture. Ce ne sont ni les idées, ni les représentations, ni l'intention de l'émetteur qui sont transmises, ce sont des marques. Austin commet la même confusion que Mac Luhan à propos de la communication : quand un message ou une formule comme La séance est ouverte est prononcée, le contexte dans lequel elle sera lue ou entendue est imprévisible. Tout autre peut la déchiffrer. Orpheline, détachée du vouloir-dire ou de l'autorité de celui qui l'a dite, la marque n'a pas de sens en elle-même, elle se dissémine au-dehors. On ne peut trouver aucun critère qui permette de prévoir si la phrase sera heureuse ou malheureuse. Il ne s'agit pas de contester la nécessité d'une conscience, d'une intention, pour que l'acte de langage fonctionne. Mais cette intention n'a pas de présence à soi. Comme toute parole vive, elle est limitée dans sa portée. Elle contient une irréductible dimension d'absence. Le contexte d'un acte de parole n'étant jamais totalement déterminable ni prévisible, la transmission implique une rupture de l'horizon du sens, une brisure essentielle. Cela conduit à définir le performatif par une structure au moins double : a. Une formule conventionnelle / parasitaire. Selon Austin, un performatif doit contenir un énoncé codé, conventionnel, conforme à un modèle répétable, itérable : une marque. Exemples de marque : La séance est ouverte, ou bien : Je vous déclare unis par les liens du mariage. Pour qu'un acte de langage réussisse, pour que la formule produise un effet de performatif (que la séance s'ouvre effectivement), il faut que le locuteur répète cette marque. Mais cela ne suffit pas. L'acte de langage est toujours daté, localisé, il s'expose toujours à l'échec. S'il se trouve hors contexte (même involontairement), si le tiers auquel il s'adresse l'entend ou la lit autrement, alors la phrase ne produit aucun effet. Elle apparaît comme malheureuse, inutile ou parasitaire. Selon Austin, ce caractère parasitaire vient en trop, il faut l'exclure pour construire une théorie de l'acte de langage. Mais, selon Derrida, une marque qui échoue reste, structurellement, un élément d'un énoncé performatif. Ce parasitage n'est pas accidentel, c'est la loi même du langage. b. Un événement pur / exposé à l'altérité, à l'errance. Pour que l'acte de langage réussisse, il faut donc qu'à la pure reproduction de la marque (prévisible, calculable) s'ajoute un événement non prévisible, non calculable : que les conditions de "réussite" de l'acte de langage soit remplies. Un acte de langage, en effet, ne se produit qu'une fois (la même formule La séance est ouverte, répétée ultérieurement par la même personne, ouvrira une autre séance). Comme l'avait déjà remarqué Austin, cette unicité absolue défie les valeurs et limites établies, elle rend caduques les oppositions classiques. Il y a dans un énoncé performatif une sorte d'errance. Il échappe à la juridiction de la vérité. S'il fait loi, c'est en inscrivant, irréductiblement, l'altérité dans la répétition. La marque qu'il répète transgresse le code, elle porte en soi son autre. On ne peut en établir aucune science. Toutes les règles imaginables pour stabiliser les actes de langage (les confiner à des formules établies dans des situations adéquates) sont travaillées, déconstruites, ruinées par le caractère supplémentaire du langage, sa citationnalité générale. Comme le dit Austin, la performativité suppose la présence d'un vivant parlant à la première personne. Mais elle suppose aussi, dans le même temps, une technicité machinale, inorganique.
2. Entre performatif et constatif, indécidabilité. Ces considérations conduisent à revenir sur la distinction théorique entre performatif et constatif. Quand un acte réussit, il est toujours à la fois constatif et performatif [si j'ouvre la séance, je constate en même temps qu'elle est ouverte]. Dans tout performatif, il y a du constatif, et dans tout constatif, il y a, au moins implicitement, un performatif [pour faire un constat, il faut un témoin]. C'est indécidable. Kant pensait que le savoir universitaire était purement constatif. Mais les opérations universitaires engagent chaque fois une axiomatique, une philosophie, elles produisent des effets socio-politiques, un ferment déconstructif. L'universitaire qui fait oeuvre prend acte de l'équilibre instable qui s'instaure. Il s'y laisse entraîner, mais doit rendre aussi claire que possible la transformation performative engagée.
3. Fondation, irruption performative. Quand la loi s'institue, elle vient du dehors. Elle s'impose par un coup de force inaugural, une violence fondatrice qui décrète elle-même, performativement, ce qui est légal ou illégal, ce qui est raisonnable ou ce qui ne l'est pas. Pas de droit sans la force : le droit implique en lui-même cette violence autorisée, c'est lui qui la légitime, la justifie. L'autorité des lois repose sur ce fondement mystique, cet effet de fiction, sur cet acte de foi performatif, ce "oui", cet axiome. On peut appeler cela un performatif absolu. A chaque fois qu'on invoque une règle, elle implique irréductiblement la police et la loi. Si la justice n'attend pas, si elle est requise dans l'urgence et la précipitation, comme une folie nécessaire, s'il ne lui faut ni justification, ni savoir, ni délibération, c'est parce qu'elle s'impose avec la violence d'un performatif. Pour agir dans la justice, il faut inventer chaque fois, pour chaque situation, une règle unique. Pour tout acte fondateur, y compris la différence sexuelle, le constatif-interprétatif et le performatif sont inséparables. Ainsi : - la Déclaration des Droits de l'homme se présente comme une formule abstraite, générale, constative (Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit), qui masque en pratique des prescriptions impératives, performatives (Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune), imposées par le cercle du pouvoir. - pour fonder une institution, il faut qu'une signature s'invente elle-même, qu'elle se donne à elle-même son propre crédit. Ce fut le cas pour le peuple américain avec sa Déclaration d'Indépendance, où l'acte performatif est indissociable de l'archive, où se sont instituée en même temps une règle, une loi et des signataires. Ce fut le cas aussi pour le peuple français : avec la décapitation du roi, la souveraineté était effectivement transférée au peuple. - Jacques Derrida en appelle à des politiques de l'amitié. Il s'adresse à l'autre comme tel par la seule force performative, sans compter sur aucun programme, aucune assurance. - Emmanuel Lévinas a inventé, dans la langue française, un nouveau langage qui salue l'autre, l'appelle au-delà de l'être. Cette ouverture de l'éthique ou de l'hospitalité est selon Derrida un coup de force, une déclaration de paix, la déclaration de la paix même. [Mais le performatif ne suffit pas, il faut encore une ultime garantie, par exemple celle du nom de Dieu].
4. L'oeuvre performative. Ici l'analyse du performatif rencontre une autre problématique. Que se passe-t-il dans l'université contemporaine quand, pour différentes raisons qui tiennent (entre autres) à la mondialisation, la digitalisation du savoir, la crise des Humanités classiques, etc., l'activité du professeur engagé dans l'enseignement s'expose aux forces du dehors? Il devient difficile d'inscrire ces actes dans des genres déterminés. La profession de foi de l'enseignant n'est plus étayée sur un savoir ou sur une tradition académique. Le voici confronté à un autre type d'engagement. Enseigner, professer, c'est se déclarer, transformer l'usage et le sens des mots. L'acte scientifique opère comme un faire de la communauté des savants, où l'inventeur se trouve dans la même situation que le performeur. Il ne suffit pas de trouver, il faut encore être reconnu par un tiers, ce qui n'est jamais garanti. C'est quand l'œuvre doit produire en elle-même et hors d'elle-même ses critères de jugement qu'elle devient performative. En s'engageant dans la constitution du Collège International de Philosophie, Jacques Derrida pensait peut-être pouvoir légitimer, en tant que telle, l'exigence performative. Trente ans après, il ne semble pas que cette tentative ait réussi à trouver un ancrage institutionnel. Mais la question d'un autre performatif, différent de celui d'Austin, était posée. Entre l'archi-performatif (acte de foi, serment, confession, pardon, excuse, promesse ou conjuration), sans lequel il n'y aurait ni pensée, ni langage, ni œuvre, et l'exigence incontournable d'un autre performatif, il y a résonance.
5. L'au-delà du performatif. Un performatif au sens de John L. Austin ou d'Emile Benveniste est un événement ponctuel, unique. Pour qu'il réussisse, il faut une profération codée, reconnue, émise dans un contexte déterminé qui la rend légitime. Dans l'événement au sens derridien, il n'y a ni pouvoir, ni autorité. Ce qui arrive n'était jusqu'alors pas considéré comme possible. Rien ne l'annonçait. Et pourtant, la force de cet événement-là "est toujours plus forte que la force d'un performatif". Ce n'est pas le locuteur qui a décidé, c'est l'autre, le tout autre. Par sa performance, le tout autre contamine le locuteur qui abandonne toute maîtrise, se laisse déborder par ce qui vient, un peut-être dont il n'avait aucune expérience. Et si cette chose impossible arrivait? Peut-être, elle peut arriver, au-delà de la limite performative, au-delà de tout contexte prévisible. Inventer une écriture, c'est créer, pour chaque situation, la loi d'un événement singulier. La structure double qui brouille la distinction entre répétition et unicité, Jacques Derrida la désigne par le syntagme "comme si". Avec le performatif austinien, tout se passe comme si un événement arrivait. Si une "séance est ouverte" dans des conditions calculables, prévisibles, connues à l'avance, on peut parler d'acte de langage conventionnel, mais pas d'un événement digne de ce nom. Un tel événement n'est ni contrôlable, ni programmable; il ne suppose ni pouvoir, ni habilitation. Il peut arriver n'importe quand, y compris quand nous accomplissons une chose qui ressemble à un simulacre. Chaque fois que nous disons "comme si", un débordement de l'acte performatif conventionnel est possible. C'est cette modalité incertaine, précaire, vulnérable, fragile, qui donne lieu à ce qu'on appelle des oeuvres - un mot qui renvoie à toutes les formes de travail, dans la vie courante ou, par exemple, dans l'université, lorsque sont transformés des concepts comme ceux d'humanité ou de vérité. Un tel événement engage, il mobilise des affects. Alors que certains objets d'art ou textes littéraires ne font que reproduire des styles ou des genres, une oeuvre digne de ce nom produit d'autres conventions, formulations et critères. Dans le même temps, elle transgresse et met en œuvre la structure itérative usuelle du langage. C'est ainsi ("au-delà" du performatif), dans la vie, qu'elle suscite l'acquiescement, le "oui", la croyance (ou pas).
6. Un performatif au-delà de l'être? On parle d'"acte de parole" ou d'"acte de langage" (speech act), mais certains actes se soustraient à l'ordre du langage. Que peut-on en dire? a. Dans les récits de Blanchot, on trouve plusieurs fois la locution "Viens" qui se présente comme un mot, une phrase. Dire "Viens" à quelqu'un, c'est lui donner un ordre, l'appeler. C'est un acte de langage. Mais le "Viens" chez Blanchot est irréductible aux verbes usuels. Il ne s'agit pas de prescrire un geste, une opération, mais de répéter un "Viens" tout autre, pré-originaire, d'avant le langage, qui ne procède d'aucune autorité, aucune loi, aucune hiérarchie, un archi-"Viens" archi-performatif. On retrouve la même logique dans l'expression Il faut que je te porte de Paul Celan, telle qu'elle est interprétée par Jacques Derrida. Si aujourd'hui le monde se défait, s'il s'en va, alors je dois faire venir une alliance qui, à nouveau, pourra faire monde. C'est une nécessité, un devoir, la condition pour que nous puissions habiter le même monde. Le constatif est ici indissociable du performatif. b. peinture. Peu avant sa mort, Cézanne a écrit : Je vous dois la vérité en peinture. Par cette parole, il fait, dans le discours, une promesse. Mais en quoi cette promesse est-elle spécifiquement picturale? Il faut supposer un autre acte performatif, daté et signé, qui se répète de tableau en tableau sans jamais être complètement identique. Cézanne témoigne de sa promesse par cet acte-là, son schibboleth. C'est en lui que nous croyons, c'est lui qui porte le secret de la croyance (la fiduciarité). Par ce témoignage hors langage, y compris quand il ignore le contenu de cet engagement, le peintre en engage d'autres (dont il ne sait rien, mais qui l'appellent) à sa suite. c. Certaines phrases ne disent rien, mais impliquent par avance le destinataire; elles font venir, à terme, ce qui survient, sur un mode que Derrida nomme "auto-téléiopoétique". Il en est ainsi d'un poème qui se produit en disant son secret, son sceau; de la sentence apophatique, cette voix blanche de la théologie négative qui met à l'épreuve les limites constatives du langage; de la prière qui ne montre pas, ne fait rien savoir, ne saurait être ni vraie ni fausse; ou encore de cette notion qui généralise le performatif à venir : le messianique.
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-------------- Propositions -------------- -Il n'y a pas de performatif pur, car tout acte de langage est travaillé par une "citationnalité générale" -Toute marque, fût-elle orale, est un graphème : ce qui reste d'une coupure qui l'a séparée de son référent ou de son signifié d'origine -Une écriture est une marque déchiffrable par un autre : elle est constituée par son itérabilité -L'itérabilité de la marque ne laisse intacte aucune opposition; elle porte en soi son autre, sa re-marque qui la parasite et lui interdit de sa rassembler auprès de soi, de se réapproprier -"Oui" est la condition transcendantale de tout performatif, de toute écriture, promesse, serment, engagement, qui en appelle au "oui" de l'autre et s'envoie, à soi-même, un "oui" -Au commencement de l'oeuvre, il y aura eu un geste performatif : acte de foi, serment, confession, excuses, promesse ou conjuration -[Dans l'énoncé performatif, le plus événementiel qui soit, l'intention et l'assistance sont irréductiblement absents] -La conscience intentionnelle n'est pas indivisible; elle est structurée a priori par l'itération, qui y introduit une brisure essentielle -Un contexte n'étant jamais absolument déterminable, il ne peut servir ni de protocole pour un code, ni de critère pour le succès ou l'échec d'un acte de langage -L'"effet de performatif" produit par la signature repose sur une condition aporétique : la pure reproductibilité d'un événement pur -Un énoncé performatif ne peut réussir que si sa structure est double : conforme à un modèle itérable (citation) ET événement absolument singulier -Là où il y a performatif, c'est "comme si" un événement arrivait - mais un événement digne de ce nom est "au-delà" du performatif -La force d'un événement est irréductible au pouvoir d'un performatif -Pour qu'arrive le pardon, l'excuse ou le parjure, un performatif ne suffit pas, il faut une oeuvre : une blessure, une interruption, une rupture dans l'ordre du temps -"Par l'acte performatif qui lit et écrit la différence sexuelle, tu es appelé à exister" -Le parasitage ou le non-sérieux que John L. Austin cherche à exclure des actes performatifs, c'est ce qui constitue la loi même du langage -L'itérabilité transgresse le code ou la loi qu'elle constitue; elle inscrit a priori, de façon irréductible, l'altération dans la répétition -En tant qu'écriture, la différance suppose une absence spécifique, qui ne saurait (être) une modification de la présence -Paradoxe du "oui" : il lance une machine de production et de reproduction dont il ruine le modèle -La performativité implique à la fois la présence d'un vivant parlant à la première personne, et une technicité machinale, inorganique -Pour fonder une institution, l'acte requis est à la fois constatif et performatif, archive et production - la distinction entre l'un et l'autre étant indécidable -Le projet même de la théorie des "speech acts", dans sa version austinienne, rendant caduques les oppositions classiques, on ne peut en établir aucune science -L'"indépendance" inconditionnelle de l'université l'expose aux forces du dehors; se dissociant du fantasme de souveraineté indivisible, elle oeuvre aux limites de l'autorité performative -Tout constatif s'enracine dans la forme générale de la testimonialité qui présuppose, au moins implicitement, un performatif -Le témoignage est à la confluence des deux sources de la foi : en promettant la vérité par-delà toute preuve, il atteste de l'indemne (sacralité) et du fiduciaire (croyance) -Le secret de l'expérience testimoniale se livre dans l'interruption absolue du rapport à l'autre : en déjouant toute contemporanéité, elle ouvre l'espace même de la foi -Le poème se produit en disant sa signature, son secret, son sceau, de façon auto-déictique ou performative -Le "oui" de l'affirmation ressemble à un acte de langage performatif : il ne décrit ni ne constate rien, il engage en répondant, jusqu'au point où il est débordé par ce qui vient -Le calcul derridien, qui se donne pour fin de déjouer le calcul, ne peut se démontrer ni dans les textes, ni dans les institutions académiques : "ça se passe dans la vie" -Quand aujourd'hui le monde s'en va (constat), il faut faire venir une alliance qui, à nouveau, pourra faire monde : la nécessité, le devoir (performatif), de "te" porter -Quand le monde s'en va, quand il fait défaut, je dois t'y porter, faire venir le monde au monde comme s'il y avait un monde juste, comme si nous habitions le même monde -"Viens" se dit au présent; le citer met à l'oeuvre un autre "Viens", un Qui dont le " faire" est irréductible aux verbes usuels : opérer, fonctionner, jouer, ordonner, appeler -En s'ouvrant son propre crédit d'elle-même à elle-même, une signature fondatrice s'invente comme signature, se donne un nom et produit la contresignature qui la garantit -[Derrida, date et signature] -L'acte fondateur d'une institution invente ses signataires, il garde en lui leur signature - ainsi la Déclaration d'Indépendance des Etats-Unis, qui invente le peuple américain -Ce que je suis, ici, maintenant à cette date, est un schibboleth -Jacques Derrida propose des textes dont la performance défie les valeurs et limites oppositionnelles - ce qui soulève la question de la vérité, sans tomber sous sa juridiction -L'écriture performative de Jacques Derrida, qui transforme l'usage et le sens des mots, n'est jamais dépourvue d'affect -Pour répondre de l'oeuvre d'E.L., il aura fallu passer par ce qu'elle dit de l'Oeuvre : qu'elle ne lui revient pas mais qu'elle est une performance du tout autre, qui nous contamine -Avec l'à-Dieu, Lévinas donne à la langue française la chance de saluer silencieusement l'autre en tant qu'il n'est pas, qu'il appelle depuis l'au-delà de l'être -Par un coup de force qui n'est autre qu'une déclaration de paix, la déclaration de la paix même, Lévinas invente un nouveau langage qui ouvre à l'hospitalité -[Toute oeuvre qui produit les conventions, formulations et critères qui la légitiment, est performative "au-delà du performatif"] -En disant "comme si", nous faisons une chose troublante qui ressemble à un simulacre; nous supposons qu'un événement a lieu -La modalité du "comme si" semble appropriée à ce qu'on appelle des "oeuvres" -L'itérabilité rend possible autant la règle que sa transgression : tout performatif peut réussir, qu'il soit conventionnel ou non, avec ou sans modèle -En impliquant d'avance le destinataire sur le mode du peut-être, certaines phrases "auto-téléiopoétiques", qui ne disent rien, font venir à terme ce qui survient -Inventer une écriture, c'est créer, dans chaque situation, la loi d'un événement singulier -La loi est fondée sur un événement performatif, une décision de l'autre dans l'indécidable, qui ne peut appartenir à ce qu'elle institue -L'opération qui revient à faire la loi - fonder, inaugurer, justifier le droit - consiste en un coup de force, une violence performative et interprétative -On n'obéit pas aux lois parce qu'elles sont justes, mais parce qu'elles sont lois; c'est le fondement mystique de leur autorité, elles n'en ont point d'autre -La structure fondamentale du droit est tautologique : il se pose en mettant performativement en oeuvre les conventions qui décrètent quelle violence est légale ou illégale -Le discours des Droits de l'homme est paradoxal : par un acte de langage (la Déclaration), il instaure des droits dont il constate qu'ils sont naturels à l'homme -Pas de droit sans la force : Il n'est pas de droit qui n'implique en lui-même une force autorisée, qu'il est justifié d'appliquer -Invoquer une règle - qu'elle soit grammaticale, théorique ou juridique - est toujours une opération performative et politique qui implique irréductiblement la police et la loi -La justice est toujours requise dans l'urgence et la précipitation, avec la violence irruptive d'un performatif -Agir par devoir ou respect de la loi, c'est inventer chaque fois, pour chaque situation unique, la règle et l'exemple de la justice -A aucun moment on ne peut dire qu'une décision est purement juste, légale ou légitime - car pour qu'il y ait décision, il faut chaque fois réinventer la loi -Il faut, pour rendre effectifs les Droits de l'homme, une inscription dans le cercle du pouvoir -Un acte performatif, en peinture, ne saurait être intentionnel ni traduisible en discours : il agirait, comme un passe-partout, sans endetter ni promettre de vérité -La signature de Cézanne est associée à un événement dans la peinture qui engage sa signature, et beaucoup d'autres à sa suite : la promesse performative d'un "autre" performatif -"Professer" est toujours un acte de parole performatif : c'est s'engager, par une promesse publique, à témoigner de son savoir -Faire oeuvre, c'est produire un effet de levier (mochlos), c'est marcher par sauts successifs en équilibre instable entre marque et marge, entre constatif et performatif -L'acte scientifique est lié par essence au savoir et au "faire" de la communauté scientifique; il est structurellement performance, performativité, technoscience -Dans chaque énoncé universitaire, un performatif singulier est à l'oeuvre, qui engage une philosophie, une axiomatique et une responsabilité -Les actes performatifs étant difficiles à représenter, transporter ou traduire, on ne peut les inscrire dans un genre particulier - littérature, fiction ou thèse de doctorat -Légitimer de droit, en tant que telle, l'exigence performative mise en oeuvre par le langage philosophique, tel devrait être, aujourd'hui, le champ privilégié de la recherche universitaire -L'événement inventif réunit deux fonctions hétérogènes : le faire et la description, le performatif et le constatif, l'auto-référence et l'hétéro-référence -La responsabilité minimale aujourd'hui, pour un universitaire, est de rendre aussi claire que possible, pour chaque opération qu'il propose, la transformation performative engagée -L'enjeu de la question de la bêtise, c'est le point d'intraduisibilité, de non-savoir, où la production performative de valeurs se fait axiome -Le courage du souverain, qui inspire aux autres la crainte, est celui de faire et de dire le performatif absolu -Dans la fable, il est montré que le pouvoir est lui-même un effet de fable, de fiction, de parole fictive et performative, de simulacre -En appeler à la raison, c'est aussi en appeler à la raison du plus fort, celle qui "donne raison" en s'autorisant du performatif même -La décapitation du roi est un transfert fictionnel, narratif, théâtral, représentatif et performatif de sa souveraineté à celle de la Nation et du peuple -Ce qui arrive au-delà du performatif, c'est une inconditionnalité faible, fragile, vulnérable, sans pouvoir, qui contraste avec la force d'une souveraineté indivisible -Pour en appeler à une politique de l'amitié, il faut s'adresser à l'autre comme tel - par la mise en oeuvre d'une force performative qui ne puisse compter sur aucune assurance -Par sentence, affirmation, déclaration, la voix blanche de l'apophase consiste à aller toujours plus loin qu'il n'est raisonnablement permis -Le "messianique" est doublement indéterminé : (1) aucun savoir, théorie ou épistémé ne le guide (2) comme performatif à venir, il n'entre dans aucun horizon d'attente -La prière ne montre pas, ne fait rien savoir, ne saurait être ni vraie ni fausse -Dieu est le nom de l'ultime instance, l'ultime signature qui garantit ce qui doit être - et qui doit être un nom propre |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Derrida DerridaPerformatif AA.BBB DerridaLangageCG.LDS PerfToutAutreCC.LKJ DerridaCheminementsEB.PE.RFO ConceptOrloeuvreGB.LDF BP_DerridaPerformatif Rang = KGenre = - |
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