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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
L'oeuvre, au - delà du performatif | L'oeuvre, au - delà du performatif | ||||||||||||||||
Sources (*) : | Derrida, le performatif | Derrida, le performatif | |||||||||||||||
Pierre Delain - "Pour une uvrance à venir", Ed : Guilgal, 2011-2017, Page créée le 27 février 2011 | Un performatif tout autre - aujourd'hui | [Toute oeuvre qui produit les conventions, formulations et critères qui la légitiment, est performative "au-delà du performatif"] |
Un performatif tout autre - aujourd'hui | ||||||||||||||
Derrida annonce l'oeuvre à venir | Derrida annonce l'oeuvre à venir | ||||||||||||||||
Orlolivre : comment ne pas œuvrer ? | Orlolivre : comment ne pas œuvrer ? | ||||||||||||||||
1. Œuvre performative : un concept derridien. Il semble que le syntagme «œuvre performative», n'apparaisse qu’une seule fois dans le corpus de Jacques Derrida. Cette unique occurrence se situe dans L’Université sans condition (p33) : «Je me réfère donc ici à une université qui serait ce qu’elle aurait toujours dû être ou prétendu représenter, c’est-à-dire, dès son principe, et en principe, une «chose», une «cause» autonome, inconditionnellement libre dans son institution, dans sa parole, dans son écriture, dans sa pensée. Dans une pensée, une écriture, une parole qui ne seraient pas seulement des archives ou des productions de savoir, mais, loin de toute neutralité utopique, des œuvres performatives». Cette citation s'inscrit dans un développement qui porte sur l'université et le "genre" d'oeuvre qu'on peut y faire aujourd'hui. Mais tout indique dans ce texte que Derrida ne songe pas seulement à l'université. Le chapitre commence par la phrase "Comme si la fin du travail était à l'origine du monde"(p25), et continue en précisant que "le comme si paraît approprié à ce qu'on appelle des oeuvres, singulièrement les oeuvres d'art" (p31), "toutes les idéalités discursives", "et même une certaine structure des objets scientifiques en général". Derrida revient plusieurs fois sur les deux apories qui structurent, selon lui, l'acte performatif. Ce sont : a. Aporie n°1 : pure reproductibilité d'un événement pur : Une oeuvre ne peut affirmer sa singularité, son unicité, qu'en réitérant des modèles et des conventions (§1). b. Aporie n°2 : entre performatif et constatif, indécidabilité : Une oeuvre est indécidablement performative et constative, car tout ce qu'elle invente, elle le présente comme un constat (§1).
2. Performativité derridienne (au-delà du performatif) et auto-légitimation. Imaginons une religion qui n'aurait pas de contenu défini, et à laquelle toute personne pourrait se convertir sur la base d'un rituel de son choix. Il lui suffirait de dire, par exemple : "Je me baptise", ou bien "A partir du moment où j'aurai enfilé tel vêtement, je serai membre de cette religion", pour qu'instantanément la religion soit créée et que la personne en question en soit membre. L'acte d'entrée dans cette religion ne serait pas qu'un dire, mais aussi un faire. On pourrait qualifier cet acte de performatif. Il présenterait certains points communs avec le performatif au sens de John L. Austin ou d'Emile Benveniste - par exemple le fait que la phrase en question doive être prononcée à la première personne, dans un certain contexte, et aussi qu'elle doive être authentifiée par d'autres personnes possédant certaines compétences. Il présenterait aussi de grandes différences avec l'acte performatif usuel, par exemple : aucune formule préétablie, bien connue et légitime, du genre, La séance est ouverte, ne serait nécessaire, puisque la formule (la marque) serait produite dans l'acte même. On pourrait en dire, comme le dit Benveniste de l'acte de langage : Hors des circonstances qui le rendent performatifs, un tel énoncé n'est plus rien. Cet événement est un type particulier d'"oeuvre performative", qu'on peut qualifier de "performatif au-delà du performatif". CITATION : "Dès lors que l’itérabilité installe la possibilité du parasitisme, d’une certaine fictionnalité altérant aussi sec, parce qu’ils en « font partie », le système des intentions (il- ou perlocutionnaires) et le système des règles (dites verticales) ou des conventions (dites horizontales), dès lors que ce parasitisme et cette fictionnalité peuvent toujours ajouter une structure parasitaire ou fictionnelle de plus, ce que j’appelle ailleurs un « supplément de code », tout est possible contre la police du langage – par exemple des « littératures » ou des « révolutions » encore sans modèle. Tout est possible sauf une typologie exhaustive qui prétendrait limiter les pouvoirs de la greffe ou de la fiction dans une logique analytique de la distinction, de l’opposition, de la classification en genres et espèces (Jacques Derrida, Limited Inc, p185). Si l'on appelle "succès" la possibilité pour elle d'être reconnue comme telle, les conditions de ce "succès" ne dépendent pas de formulations ni de critères légués par la tradition, mais de formulations ou de critères qu'elle émet elle-même, avec ou sans modèle. Produite sous une certaine forme, sous une certaine signature et dans certaines circonstances, elle opère comme acte, sans s'appuyer sur aucune autorité. Quelque chose arrive, mais quoi? On ne le sait pas à l'avance, car ce qui arrive est justement ce que fait l'oeuvre en tant qu'oeuvre, ce qu'elle fait advenir par auto-téléiopoèse. Ses formulations ou critères n'étant authentifiés que dans les circonstances de sa mise en oeuvre, et par aucune tradition préexistante, seule l'interprétation ou la lecture qui en sera donnée, et qui ne peut jamais être programmée à l'avance, viendra confirmer l'annonce initiale : Je reconnais que ceci, dans la situation actuelle, opère comme oeuvre. Tout se passe comme si l'oeuvre performative "au-delà du performatif" devait prendre place parmi les figures du souverain, aux côtés de la bête ou du criminel. Bien qu'elle ne soit porteuse d'aucun savoir ni d'aucune compétence, c'est elle qui, par un acte illégitime, violent, tautologique - fait la loi. Cette loi (kafkaïenne) ne repose sur aucune convention préétablie, aucun fondement. Elle n'est jamais énoncée comme telle car elle ne vaut que pour cette oeuvre - et pour aucune autre. De même que, selon Derrida, chaque poème promet la fondation d'une poétique [Poétique et politique du témoignage, in "Cahier de l'Herne sur Jacques Derrida", 2004, p521]. on pourrait dire que chaque oeuvre promet d'établir, par un coup de force, les règles qui permettront à d'autres de la juger.
3. Des facteurs communs au monde de l'art et à celui de l'université favorisent, dans ces milieux institutionnels, ce type d'engendrement des oeuvres. Ce sont : - par principe et par tradition, la revendication d'une liberté inconditionnelle. Toutes les questions critiques, toutes les propositions, tous les questionnements y sont admis, sans tenir compte d'aucune frontière nationale ni limitation externe. - les deux mondes sont aujourd'hui déstabilisés, désorganisés. Malgré la reconnaissance institutionnelle dont ils font l'objet, leurs territoires, leurs frontières, leurs lieux de communication et d'archivage changent radicalement. La mondialisaton des réseaux (numérisation, lisibilité immédiate, télétravail) est un événement qui les affecte en profondeur. Dans les deux cas, les compétences traditionnelles et les savoirs bien faits et délimités par des genres ou des disciplines s'estompent. Les vieilles Humanités perdent leur crédit. C'est un nouveau concept de l'homme qui s'élabore. - dans les deux cas, le concept d'"oeuvre" connaît une mutation sans précédent. Les objets d'art et de savoir ne sont plus situées en un lieu stable, identifiable, il ne sont plus classés en des métiers reconnus, dotés d'un savoir-faire déterminés. Les anciennes procédures (genre, style, présentation) apparaissent pour ce qu'elles sont : des simulacres structurés suivant la modalité du "comme si" (faire comme si quelque chose arrivait, mais sans que cela fasse événement). Les nouvelles oeuvres, exposées au virtuel et aux forces du dehors, résistent à toute réappropriation. Ayant perdu la cohérence et l'indivisibilité qui donnait foi en la vérité, elles sont forcées d'abandonner tout fantasme de maîtrise souveraine. Soumises aux forces du dehors, elles débordent les limites usuelles de l'autorité. A la place de la divison du travail et du savoir, au lieu des métiers reconnus, dotés d'une compétence et d'un savoir-faire déterminés, ces oeuvres ne sont plus le produit d'un savoir, mais d'un processus d'engendrement. Il en résulte, pour chacune de ces performances singulières, de nouvelles questions : quelles sont ses implications socio-politiques, son axiomatique, sa philosophie? Quelle responsabilité y est engagée?
4. Extension du concept d'"oeuvre performative" dans le corpus de Jacques Derrida. Même si le mot n'y figure pas, ce concept est développé dans la préface (intitulée "Passe-partout") de La Vérité en peinture, publiée en 1978, à partir de la célèbre phrase de Cézanne "Je vous dois la vérité en peinture, et je vous la dirai". Le contrat pictural cézanien, équivalent d'un acte de langage, engage le peintre et chacun de ses successeurs à peindre à sa façon, créant ses propres règles. C'est la peinture à l'œuvre, dont Van Gogh entendra la leçon. On peut retrouver la logique de l'"au-delà du performatif" dans tout le corpus derridien, autour de nombreux thèmes ou motifs, même quand il ne s'agit ni d'oeuvre, ni d'art, ni de performatif, ni d'acte de langage. Exemples : - la production du texte, ne reposant sur aucune convention préalable (cf "Glas" et sa mutation monstrueuse (1974)), - la spéculation freudienne, cette "athèse" qui ne correspond à aucun genre, aucun concept concevable, aucun modèle préétabli (Spéculer - sur "Freud", 1980), - L'au-delà du souverain ou du politique, qu'on ne peut penser que comme œuvre, au-delà du performatif, - Il faudrait, pour l'oeuvre d'Emmanuel Lévinas, définir un performatif sans événement présent, comme on n'en a jamais décrit (En ce moment dans cet ouvrage me voici, in Psyche 1, 1980). - la justice, qui exige qu'on invente chaque fois, pour chaque situation, une règle singulière (Force de loi, 1994) - un souvenir d'enfance : le ver à soie qui secrète, par l'autre, en secret, ses lois d'écriture (Un ver à soie, Points de vue piqués sur l'autre voile (1997)). - le poème, qui se produit en disant sa signature, son secret, son sceau, et encore d'autres choses; - une injonction archi-performative (confession, appel) se moque de toute assurance, de toute convention. Elle est, directement, au-delà du performatif (Papier machine, 2001). - décrypter et déconstruire les notions de mondialisation, cyberdémocratie, souveraineté (cf l'Université sans condition (2001)). Aujourd'hui, de tout travail universitaire, il peut surgir, à tout moment, une oeuvre performative. - chaque fois que, pour répondre à une situation déterminée, il invente une écriture qui fait événement et prescrit sa propre loi (cf Apprendre à vivre enfin, 2004). - il ne conteste pas la dimension apophatique de son oeuvre, cette voix blanche qui, comme les sentences de la théologie négative, consiste à aller toujours plus loin qu'il n'est raisonnablement permis (Sauf le nom, 1993). - au-delà du souverain, ce qui peut arriver, en contraste avec la souveraineté indivisible, c'est une inconditionnalité faible, fragile, vulnérable et imprévisible, qui déborde, par un acte de foi, sans pouvoir ni fondement, la force déclarative du verbe (Voyous, 2003). On pourrait interpréter tout le corpus derridien à partir du concept d'oeuvre performative.
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-------------- Propositions -------------- -La mutation du concept d'oeuvre dans le travail universitaire participe d'une autre mutation, absolue, radicalement nouvelle, qui transforme l'espace public -"Comme si la fin du travail était à l'origine du monde" : tout se passe aujourd'hui comme si, virtuellement, l'engendrement des oeuvres devait remplacer le travail réel -En impliquant d'avance le destinataire sur le mode du peut-être, certaines phrases "auto-téléiopoétiques", qui ne disent rien, font venir à terme ce qui survient -Le paradoxe du post-moderne, c'est que, bien que le jugement n'ait ni fondement ni critères, nous ne pouvons pas nous en débarrasser -A la question "Comment juger?", l'absence de critères est la loi, car s'il y avait des critères, il n'y aurait pas jugement mais savoir, technique, code ou simulacre de décision -La modalité du "comme si" semble appropriée à ce qu'on appelle des "oeuvres" -Dans les trois figures de la bête, du criminel et du souverain - chacune hors-la-loi à sa façon, une onto-théologique inquiétante est à l'oeuvre; elle nous fascine, elle nous hante -Ce qui advient "au-delà du performatif", dans sa vulnérabilité et sa finitude corporelle, se moque de toute garde, de toute assurance, de tout "Je peux" -L'itérabilité rend possible autant la règle que sa transgression : tout performatif peut réussir, qu'il soit conventionnel ou non, avec ou sans modèle -["Je vous dois la vérité en peinture"; dans ce contrat pictural, la vérité promise ne peut se "dire" que par l'acte de peindre, en tant qu'il franchit les limites] -Un acte performatif, en peinture, ne saurait être intentionnel ni traduisible en discours : il agirait, comme un passe-partout, sans endetter ni promettre de vérité -Le poème se produit en disant sa signature, son secret, son sceau, de façon auto-déictique ou performative -Inventer une écriture, c'est créer, dans chaque situation, la loi d'un événement singulier -La "peinture à l'oeuvre", c'est là où, de néant à néant - pariant sur le disparate, sur un reste crypté, secret, idiomatique -, les Souliers font marcher -Dans chaque énoncé universitaire, un performatif singulier est à l'oeuvre, qui engage une philosophie, une axiomatique et une responsabilité -Un poème promet, dans l'acte de son événement, la fondation d'une poétique -Agir par devoir ou respect de la loi, c'est inventer chaque fois, pour chaque situation unique, la règle et l'exemple de la justice -La structure fondamentale du droit est tautologique : il se pose en mettant performativement en oeuvre les conventions qui décrètent quelle violence est légale ou illégale -La responsabilité minimale aujourd'hui, pour un universitaire, est de rendre aussi claire que possible, pour chaque opération qu'il propose, la transformation performative engagée -Il faudrait pour l'oeuvre d'Emmanuel Lévinas définir un performatif sans événement présent, comme on n'en a jamais décrit, mais que toute proposition présuppose -Il s'agit, dans l'université, par l'événement de pensée que constituent des oeuvres singulières, de faire arriver quelque chose au concept de vérité et d'humanité -[Rien, dans l'oeuvre performative, ne fait autorité : ni la Vérité, ni la Réalité, ni la libre Souveraineté d'une Fiction] -Ce qui arrive au-delà du performatif, c'est une inconditionnalité faible, fragile, vulnérable, sans pouvoir, qui contraste avec la force d'une souveraineté indivisible -L'"indépendance" inconditionnelle de l'université l'expose aux forces du dehors; se dissociant du fantasme de souveraineté indivisible, elle oeuvre aux limites de l'autorité performative -A la limite de l'impossible, du "peut-être" et du "si", tel est le lieu où l'université, par ses oeuvres, s'expose à la réalité et tente de penser -L'hypothèse de l'"athèse" chez Freud, c'est que la structure de son texte, sa spéculation, ne correspond à aucun genre, aucun concept concevable, aucun modèle préétabli -Le fil de soie de l'écriture derridienne, c'est de laisser secréter par l'autre, en secret, ses lois d'écriture -Ce qui se passe dans "Glas", c'est que le texte se met à produire son propre langage, qui émerge comme une mutation monstrueuse, sans tradition ni précédent normatif -Par sentence, affirmation, déclaration, la voix blanche de l'apophase consiste à aller toujours plus loin qu'il n'est raisonnablement permis -Avec son énigme irrésolue, le "double portrait des époux Arnolfini" (Van Eyck, 1434) témoigne, en silence, des apories de l'"oeuvre performative" |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Delain ArchiOeuvrePerformatif AA.BBB DerridaPerformatifNC.LDF PerfToutAutreDE.KKD OeuvreAVenirFD.LLD ConceptOrloeuvreGG.LDD DE_ArchiOeuvrePerformatif Rang = VAO-10000Genre = - |
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