Aux quatorzième et quinzième siècles, la représentation de marbres colorés est souvent investie d'une valeur de transformation entre la maternité divine et le Christ mort. C'est le cas pour cette fresque impressionnante peinte entre 1445 et 1450 par Andrea del Castagno au réfectoire de Sant'Apollonia à Florence. Les six grands panneaux marbrés qui se déploient frontalement obsèdent le regard.

Ces marbres polychromes, qu'on retrouve chez Fra Angelico, Giotto, Piero della Francesca et beaucoup d'autres, démontrent une stratégie figurale complexe. Elles font le lien entre une histoire, ici la Cène, des signes iconiques (les 12 apôtres) et le mystère de la divinité. Les couleurs intenses sont des surfaces d'attente. L'un des apôtres, Thomas, regarde vers le plafond dans une attitude d'expectative. Incrédule, il fait le lien entre le temps du récit et le temps futur de la mort et de la Résurrection. Les surfaces indéterminées contribuent au dépassement de l'histoire. Par leur éclat, elles affirment une éternité chromatique et lumineuse, un miracle à venir.

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Art abstrait avant la lettre.