Paul de Man distingue le souvenir intériorisant (Erinnerung) et la mémoire pensante (Gedächtnis). Le premier est une introjection, le résultat d'un deuil réussi qui efface l'altérité du disparu. Dans la seconde, un autre irréductible continue à parler et à penser. Ce qui se passe aujourd'hui dans la culture, dans l'écriture, dans l'habitat avec l'informatisation et les techno-sciences, ne relève pas que de la simple augmentation quantitative des capacités de mémorisation. C'est une mutation de la mémoire pensante qui ne distingue pas entre l'intériorité (psychisme) et l'extériorité (inscription matérielle, archives, documents, actes, ...). Tout l'espace est affecté, y compris l'habitat, l'art et l'audiovisuel (cinéma, musique).

Au-delà des bases de données et des institutions, c'est notre rapport à l'avenir qui est transformé. La déconstruction se mesure à cela depuis ses débuts.