Au sens le plus littéral, une "aporie" est une opposition indépassable, qui nous immobilise dans un système. Nous ne trouvons pas le moyen de sortir de la contradiction. C'est son apparence négative : absence de chemin, paralysie, passage impossible, barrage devant l'avenir. Mais la façon dont Paul de Man l'expérimente et la déchiffre dans ses derniers textes conduit vers une autre direction. C'est une pensée du chemin, une provocation à penser l'impossible. Il faut un saut de mémoire, un déplacement de pensée, inventer une nouvelle disjonction dont la structure est tout autre. Si cette structure est à venir, c'est parce qu'elle avait été oubliée. Elle était déjà présupposée par l'opposition, mais interdite, non-dite, promise. L'impasse était un point de faiblesse, et aussi une pierre d'angle pour relancer une question difficile à penser.

Paul de Man procède ainsi pour le couple constatif/performatif hérité d'Austin. L'aporie fait appel à un lieu plus vieux que les oppositions, à un point de référence précaire et menacé, frappé de folie, jamais pensé mais néammoins promis.