Jacques Derrida affirme qu'il ne cherche pas à "expliquer" le texte de Francis Ponge, au sens d'une explication positive. Que fait-il alors? Il le déplie. Ce mot, qui donne son titre aux entretiens publiés avec Daniel Farasse, est prononcé à propos d'une oeuvre qui s'explique avec la langue française et n'a pas besoin d'explications, mais d'engagement. On s'implique dans la lecture de cette oeuvre, on en est responsable, on a une dette à son égard. On entre en rapport avec cet autre, avec cette chose.

Plus largement, on pourrait avancer ceci : le dépliage [ou la dépliure] est l'opération singulière de Jacques Derrida - comme la mise en abyme est l'opération propre de Francis Ponge. Déconstruire un texte, c'est le déplier. De même que, pour se faire le gardien de la langue, Ponge doit (paradoxalement) y laisser sa marque, pour déplier Ponge (ou tout autre texte irremplaçable), pour le défaire, il faut une écriture singulière, différente. On ne met pas à plat ce qu'on déplie; on invente d'autres plis. On y renvoie, mais autrement, en l'entraînant ailleurs, en produisant un écart irréductible. Il faut une rencontre, une autre signature, un autre nom, pour déplier un texte.