On peut comparer l'enfant qui nait à un orateur qui se prépare à improviser. Il découvre à son arrivée un langage, une rhétorique, un enseignement, des conventions. Il rencontre le désir ou la demande de ses parents et d'autres personnes. Il les situe dans leur environnement, les dispose et les redispose, mais ce qu'il fait, lui, c'est autre chose, il invente. Il ne se limite pas au contrat qui lui est proposé, il introduit du désordre. Il pourrait se laisser persuader, s'en satisfaire, mais le voici dans l'ordre de la vérité et de la tromperie. Cette tradition qu'il reçoit, il faut qu'il la juge, qu'il la transfère, la traduise. En parlant, il s'invente lui-même comme autre, dans une transcendance irréductible. Il transforme le proche en hétérogène. Son père (ou sa mère) lui a proposé un horizon d'attente, mais c'est à lui (ou elle) de le contresigner. En tant qu'héritier, il a le droit de porter un jugement sur l'héritage, il détient l'autorité pour cela.

Cependant l'enfant, lui (elle) aussi, est soumis à l'évaluation de l'autre. Il s'expose au droit, à la légalité. Seule la communauté dans laquelle il entre ou l'institution peut lui procurer une légitimation, une reconnaissance. Ce quelque chose de singulier, d'unique, de nouveau, qui advient par son acte de langage, doit s'inscrire dans une culture, une appartenance.

Le commencement énigmatique de l'enfant qui arrive, qui se produit par le seul fait d'en parler, prend sa place dans la chaîne des générations.