Pour lire un texte, il faut au moins en comprendre la langue, avoir accès à sa grammaire et à son lexique. Cela implique une capacité à paraphraser, à commenter et à reproduire ce qu'on entend du sens de ce texte. Si le texte n'avait pour le lecteur aucune intelligibilité, s'il n'y avait pas un certain degré de communauté ou de consensus autour de sa signification, s'il n'y avait pas une tradition, une zone de contrat ou de convention suffisamment solide et stable, il ne pourrait ni être transmis, ni être lu. Mais cela ne veut pas dire que le sens intentionnel soit transmis fidèlement. Le "commentaire redoublant" [redire autrement ce qu'on comprend du texte] est déjà une interprétation. Le contexte a changé, les déterminations se sont déstabilisées, le référent a été travaillé par la différance. Le texte n'est plus identique à soi, il est pris dans des jeux, des tensions, des conflits, une histoire, traversé d'équivoques et de mouvements rhétoriques.

L'analyse rigoureuse d'un texte est toujours en rapport avec sa valeur de vérité. Le déconstruire exige compétence, pertinence, justesse et rigueur - car même ce qui "joue" dans le texte [ce qui se décale] suit des figures déterminables, analysables. Si ce n'était pas le cas, il n'y aurait aucune discussion possible.

Certes on ne peut pas dire n'importe quoi sur un texte, mais on ne peut pas dire non plus que son sens soit fixe, naturel, absolu ou originaire. La signification s'inscrit dans l'histoire, elle est prise dans des turbulences et des rapports de force, elle est irréductible à une norme.