Pour qu'une autorité soit légitime, il faut qu'une archive soit déposée quelque part, chez un patriarche, un archonte. Il faut un support stable, unifié, identifié. Il faut que les signes soient rassemblés, mis en réserve, qu'ils soient consignés en un lieu reconnu, qu'on puisse en apporter la preuve écrite. Alors les documents, gardés au domicile de l'archonte, disent la loi.

Jacques Derrida appelle principe archontique cette mise en ordre qui institue une légitimité, une légalité, à partir d'une archive, une arkhè, fondée sur les titres et la généalogie de ces archontes. Pour la mise en scène patriarchique de la loi (topo-nomologie), pour le rassemblement des signes, il faut une topologie privilégiée. L'archonte met en oeuvre un droit organisé, stable, protégé des hétérogénéités ou des secrets qui viendraient menacer l'autorité, un faisceau de limites, de classifications et de règles déclarées et réputées infranchissables. Il faut que l'accès à ces archives, leur publication, leur reproduction, soient réglementés, il faut que cette fonction soit confiée à un pouvoir qui entretienne cette configuration.