1 : zôé. Les objets impliqués dans le processus vital ne sont pas durables. Si on ne les consomme pas, ils se corrompent, périssent et retournent au processus naturel qui les a fournis. Leur place est éphémère dans le monde. Dans le cycle immense auquel ils participent, il n'y a ni commencement, ni fin. Ces objets qui ne sont ni uniques, ni irremplaçables, n'ont aucun caractère individuel et ne meurent pas - ou tout au moins pas plus que les espèces. Pour les produire dans le cycle infini de la biologie, il faut travailler.

2 : bios. Un individu est unique et irremplaçable. Il vit dans un monde qui existait avant lui et survivra après lui. La naissance et la mort sont des événements, eux aussi uniques, et entre les deux se déroule une biographie linéaire, qui peut être racontée. C'est ce qu'on appelle une "vie" : l'intervalle spécifiquement humain entre la naissance et la mort, qui s'accomplit en une fois et ne se renouvelle pas. Dans ce monde, il peut y avoir croissance, déclin et également oeuvre : un objet qu'on peut achever, et qui s'ajoute au monde commun des objets.

Un repas de paysans (Van Gogh, 1885).

S'ils sont tristes, s'ils doivent se contenter d'une si faible lumière, c'est parce que la vie unique de chacun d'entre eux (bios) est absorbée dans le cycle impersonnel de la vie biologique (zôè).