Derrida
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de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Promettre une vérité, c'est ce qui "fait oeuvre"                     Promettre une vérité, c'est ce qui "fait oeuvre"
Sources (*) : Fiable l'œuvre qui suspend sa fiabilité               Fiable l'œuvre qui suspend sa fiabilité
Pierre Delain - "Pour une œuvrance à venir", Ed : Guilgal, 2011-2017, Page créée le 8 juillet 2011 Orlolivre : comment ne pas transmettre?

[Ce qui dans l'oeuvre "fait oeuvre", c'est la promesse d'une vérité]

Orlolivre : comment ne pas transmettre?
   
   
   
Pas d'autre assurance que le témoignage d'un autre Pas d'autre assurance que le témoignage d'un autre
                 
                       

- (Pascual) : On peut partir de la célèbre formule de Cézanne dans une lettre qu'il a envoyée à Emile Bernard le 23 octobre 1905 : Je vous dois la vérité, et je vous la dirai. Cette phrase, écrite un an avant sa mort, est une sorte de testament. Nous héritons d'une vérité, mais laquelle? Ce n'est pas celle du référent. Cézanne ne cherche pas à nous montrer le réel de la pomme. Il ne pense ni à une norme de beauté, ni à une vérité scientifique, linguistique ou mimétique. Mais alors quelle vérité? Une vérité qui s'énonce en-dehors de toute sémiologie et même de toute parole, par le trait ou la couleur. On a beaucoup glosé sur la profondeur de la fameuse "pomme" de Cézanne, qui vient se substituer à des règles classiques de la perspective en perdition. Cette profondeur n'a rien à voir avec les deux dimensions de la toile ni les trois dimensions de l'illusion. Pour la percevoir, il faut d'abord oublier la vraie pomme. Cézanne nous entraîne vers un autre contrat de vérité. Lequel? Il s'agit de témoigner de l'existence du monde. Cet objet le plus quelconque, le plus banal, le plus insignifiant, il existe. Chaque pomme est différente d'une autre, aucune pomme n'est remplaçable, mais chacune peut remplacer n'importe quel désir. Il en est de même pour la montagne Ste Victoire : c'est toujours la même, mais elle est toujours unique. Chaque toile vient s'ajouter aux précédentes et apporte quelque chose de complètement différent. C'est ici qu'il faut revenir à la promesse de Cézanne. Que promet-il? Sur quoi la reconnaissance de dette porte-t-elle? Chaque fois, chaque nouvelle toile laissera place à autre chose, et Paris en sera tout étonné. On peut interpréter le commentaire qu'en fait Jacques Derrida de la façon suivante : Je m'engage à ce qu'à partir de maintenant, la peinture devienne performative. Il ne faut pas qu'une oeuvre laisse le monde tel qu'il est; elle doit le changer. Cet engagement, pris par Cézanne, a été tenu par ceux qui lui ont succédé. En s'inscrivant dans le déplacement de vérité que Cézanne avait initié, ceux qui ont accepté le legs ont continué, après lui, à faire émerger des choses qui n'ont pas de nom. La peinture témoigne d'une vérité, mais elle est impuissante à la montrer. Elle ne sait ni persuader, ni convaincre, ni même dénoncer (comme en témoigne par exemple le Toast à la vérité, de Fantin-Latour). Il faudrait pour cela qu'elle réussisse à déshabiller le fantôme du vrai, qu'elle le dévoile ou qu'elle en efface l'oubli (aletheia), mais ce n'est pas son genre. Rien pour elle ne fait autorité. Les vérités fausses ou indémontrables sont aussi convaincantes que les autres.

- (Henri) : Dans "Les noces de Dieu" (1999), Joao Cesar Monteira fait dire à l'un de ses personnages : "La vérité, comme l'huile d'olive, remonte toujours à la surface". La surface, c'est la surface des films (c'est-à-dire l'écran), mais ce n'est pas la vérité dans sa profondeur, son authenticité.

 

 

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Propositions

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[(CinéAnalyse) : En laissant travailler la vérité, jusqu'au point de non-savoir]

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Il y a vérité quand ça arrive, quand ça fait oeuvre, ça transforme, ça travaille, ça doit être avoué : alors la pulsion de vérité fait advenir et changer le monde

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[Être et vérité (ils vont ensemble)]

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Dans "Le Toast! Hommage à la vérité" de Fantin-Latour, la vérité s'exhibe mais ne se dévoile pas : elle reste inexplicable et irréductible

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[S'il y a une vérité en peinture, elle excède largement les limites d'une sémiologie]

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Ce sont seulement ces sortes de vérités, celles qui ne sont pas démontrables et même qui sont "fausses", qui doivent être exaltées par l'oeuvre d'art

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["Je vous dois la vérité en peinture"; dans ce contrat pictural, la vérité promise ne peut se "dire" que par l'acte de peindre, en tant qu'il franchit les limites]

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Je vous dois la vérité en peinture, et je vous la dirai

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[Chaque pomme de Cézanne vient en plus, toute autre, comme un objet supplémentaire qui se dissémine]

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[Cézanne rompt avec la perspective, il fait émerger la Chose qui n'a pas encore de nom]

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Avec une pomme, je veux étonner Paris! (Cézanne, Pommes sur une table, 1900)

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[Rien, dans l'oeuvre performative, ne fait autorité : ni la Vérité, ni la Réalité, ni la libre Souveraineté d'une Fiction]

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Pour donner lieu à la vérité en peinture, il faut entamer l'espace : le trait commence par se retirer, il ouvre sans initier

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Le témoignage est à la confluence des deux sources de la foi : en promettant la vérité par-delà toute preuve, il atteste de l'indemne (sacralité) et du fiduciaire (croyance)

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