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Judith Butler commente l'introduction rédigée par Michel Foucault en 1978 aux mémoires d'Herculine Barbin dite Alexina B. Le scandale de cet hermaphrodite ne réside pas dans la coexistence de traits anatomiques masculins et féminins, mais dans l'existence de pratiques sexuelles antérieures à toute catégorisation de la différence sexuelle. Herculine bouleverse les règles qui commandent au sexe, au genre et au désir. Elle/il fait proliférer un monde de plaisirs ou de bonheurs étrangers à l'identité sexuelle. L'homosexualité et l'hétérosexualité convergent de manière déconcertante dans sa personne, qui déstabilise les termes du système binaire. Pour elle/lui, les genres n'ont pas de substance. Ils n'existent pas en-dehors de l'acte qui les fait exister. Ils sont déhiérarchisés, non soumis à la construction fictive usuelle.
La croyance selon laquelle l'homme et la femme sont des genres distincts, séparés, repose moins sur les faits que sur un idéal normatif produit et constamment reproduit par les structures de pouvoir. C'est cette croyance qui pousse à rejeter les pulsions non conformes [homosexuelles], c'est elle qui suscite les fantasmes et désirs sur lesquels sont basés les modèles de comportement, c'est elle qui érige la femme en fétiche ou l'incite à la mascarade, c'est elle qui conduit certains gays ou lesbiennes à pasticher ou parodier les rôles sexuels. Judith Butler préconise une politique qui ne remplacerait pas la loi paternelle par un autre idéal normatif [par exemple homosexuel ou féministe], mais par une subversion de l'identité [y compris de l'identité féminine], c'est-à-dire le refus de ce type de croyance.
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Propositions
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- Il est impossible de dissocier le "genre" des interstices politiques et culturels où il est constamment produit et reproduit
- La catégorie "femme" est produite par les structures de pouvoir dont le féminisme voudrait s'émanciper
- La loi paternelle se reproduit, prolifère et s'inscrit comme une loi naturelle sur le corps féminin; et même quand il tente de s'en libérer, ce corps construit par la culture incarne cette loi
- L'hétérosexualité est simultanément un système obligatoire et une comédie, une constante parodie d'elle-même
- Le genre n'est pas un fait, c'est un style corporel, un acte à la fois performatif et intentionnel
- Le prix à payer pour la stabilisation des identités hétérosexuelles de genre est la perte de l'objet homosexuel : un déni total de tout désir ou amour pour cette personne
- En pastichant les identités hétérosexuelles, les gays et lesbiennes ne les reproduisent pas comme des originaux, mais les font ressortir comme des artefacts
- On ne peut pas distinguer la fonction répressive de la fonction productive du tabou de l'inceste : il est ce qui crée le désir pour la mère, et aussi le déplacement obligatoire de ce désir
- Investi par les normes de genre et transfiguré par l'imagination, le corps n'est ni le fondement, ni la cause du désir; il en est l'occasion et l'objet
- Pour entrer dans l'économie du désir, la femme est contrainte à une "mascarade" où elle est le Phallus
- En tant qu'"Autres" d'un sujet toujours déjà masculin, les femmes érigées en fétiches de la représentation "sont" la différence, l'irreprésentable en tant que tel
- A l'époque du "postféminisme", on peut définir une politique féministe qui ne soit pas fondée sur la croyance en une catégorie stable et homogène : la femme
- Si la subversion est possible, elle se fera dans les termes de la loi, à partir des perturbations et des ouvertures qui apparaissent quand la loi se retourne contre elle-même
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