Il y a un axiome chez Kant, un axiome non-dit, répété avec une certaine gêne mais avec insistance. Jacques Derrida parle de coup de force, de violence d'encadrement. On pourrait résumer cet axiome ainsi : Il y a de l'expression, et l'expression la plus haute est le dire. Quand il hiérarchise les Beaux-Arts, Kant met au sommet la poésie, l'éloquence, la tragédie, dans un jeu analogique, un "comme si" où tout remonte à la voix, au langage, lequel langage, selon Derrida, "met tout en rapport avec lui-même, à la fois raison du rapport et terme du rapport". Les arts de la parole, de la figuration et de la sensation sont en rapport avec le mot, le geste et le ton; et le goût est la quatrième faculté qui unifie les trois autres (imagination, entendement et esprit).

La poésie, en tant qu'art qui ressemble le plus à la productivité libre et infinie du génie, est la plus vraie, la plus authentique, la plus proche de la structure bouche-oreille du s'entendre-parler. Si le parleur peut donner plus que ce qu'il promet, c'est parce que la structure de la parole se passe de tout contenu sensible externe. Là où ça parle, même silencieusement, il y a du moral, il y a du beau.