Derrida
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Le juste, un axiome                     Le juste, un axiome
Sources (*) :              
Ernest Egakis - "Le démon du juste", Ed : Galgal, 2007, Page créée le 6 mai 2013

 

La dame a l'hermine (Leonard de Vinci, 1489-90) -

En chaque oeuvre s'invente une "justesse" incalculable

   
   
   
                 
                       

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Qu'est-ce qui fait que telle chose, objet, texte ou tableau [comme l'oeuvre ci-contre] nous semble immédiatement doué d'une qualité particulière, indéfinissable, d'une singularité qui nous conduit, dans notre contexte culturel, à dire qu'elle est juste? Et pourquoi utiliser ce mot, justesse, qui touche à l'harmonie, à la beauté, mais aussi à la justice?

La justesse ne dépend d'aucun calcul, d'aucun échange. Elle ne s'appuie sur aucun raisonnement. Elle se présente comme telle, dans son immédiateté, dans son évidence, au-delà de toute règle ou norme de performance. Que la pose de la jeune femme soit de trois-quarts, que la main et l'hermine soient les premières réceptrices de la lumière, qu'un mouvement ininterrompu semble entraîner l'ensemble du torse vers un lieu situé à droite, en-dehors du cadre, qu'un pécieux voile se distingue à peine de la chevelure, tout cela ne peut faire l'objet d'aucune règle générale. C'est une invention singulière du peintre, l'un des éléments qui concourt, comme chaque détail, à la justesse unique de l'oeuvre. Le peintre lui-même serait incapable de justifier le pourquoi et le comment de chaque chose : elles lui viennent d'ailleurs, elles s'imposent à lui non pas comme une construction positive, mais comme la déconstruction d'autres éléments qui, du fait de ce nouvel agencement, perdent de leur légitimité.

 

 

Ce tableau de 54 x 39 cm a été peint sur un bois de noyer, provenant du même tronc d'arbre que la Belle Ferronnière. A une époque plus tardive, il a été repeint en couleurs sombres. On trouve ici une restitution virtuelle des couleurs d'origine, réalisée par une caméro multi-spectrale en 2007 - l'impression de "justesse" qu'il peut susciter a donc tout d'un artefact. On dit que l'oeuvre représente Cecilia Gallerani, la maîtresse de Ludovic Sforza, duc de Milan, qui lui aurait un fils avant son mariage avec Béatrice d'Este - ce qui conduit à la dater de 1488-89 environ. Le tableau a ensuite suivi un circuit vers la Pologne, où il se trouve toujours. La fonction de l'hermine, cet objet supplémentaire, reste incertaine. Ce peut être un animal de compagne (galay en grec), un calembour sur son nom de famille (galler-galay), un symbole de pureté ou un autre emblème, lié à sa filiation ou son appartenance.

 


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