Derrida
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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, le témoignage                     Derrida, le témoignage
             
Jacques Derrida - "Le Cahier de l'Herne sur Jacques Derrida", Ed : de l'Herne, 2004, p523 - Poétique et politique du témoignage

 

Les vases (Paul Klee, 1921) -

Paradoxe du témoignage : s'il est absolument sûr, il est considéré comme preuve et non plus comme témoignage

   
   
   
               
                       

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Pour qu'il y ait témoignage, il faut qu'il y ait aptitude à témoigner : que le témoin n'ait pas disparu, qu'il n'ait pas été anéanti, réduit en cendres. Cette disparition est toujours virtuellement possible, une possibilité qui est à la fois redoutable [menace de la disparition du témoignage lui-même], et la condition même du témoignage [qui dépend de la présence circonstancielle d'un témoin].

Un témoignage qui serait une preuve, une information ou un constat perdrait le statut de témoignage. Ce serait une pièce à conviction. "Pour être assuré comme témoignage, il ne peut pas, il ne doit pas être absolument assuré, absolument sûr et certain dans l'ordre de la connaissance comme telle" écrit Derrida. C'est le même paradoxe que celui du secret, de la responsabilité ou de l'oeuvre. D'un côté, le témoignage doit être possible [un témoin survivant qui témoigne de ce qu'il connaît et auquel nous accordons un certain crédit]; d'un autre côté, la certitude doit être impossible [ce dont on témoigne n'épuise pas la chose, un secret doit rester en réserve, inconnaissable].

Entre d'une part l'acte et l'expérience du témoignage [performatif] et d'autre part la certitude de la preuve [théorico-constatif], la frontière est en principe, en droit, infranchissable. Mais en fait, la limite est fragile, la confusion toujours possible [comme toute frontière performatif/constatif, y compris dans la version austinienne]. Quelle que soit la langue, le glissement d'un sens à l'autre peut toujours se produire. Il est interdit, mais constamment pratiqué.

Pour qu'il y ait témoignage, il faut accepter l'axiome : Témoigner n'est pas prouver. Témoigner, c'est rappeler le caractère sensible d'une présence passée, c'est en appeler à un acte de foi, une croyance à l'égard d'une parole qui engage, d'une responsabilité ou d'une promesse susceptible de trahison ou de parjure. Mais ce sens de "témoignage" est souvent contaminé par celui de "preuve" [dès qu'on en appelle à un savoir, une certitude théorique, un jugement].

 

 

Le témoignage ne peut se dire que dans l'idiome singulier du témoin. Il est intraduisible, toujours lié à l'expérience d'une date que, par son unicité, on peut qualifier de poétique. Mais pour être entendu, il faut qu'il soit traduit dans la langue des autres - sans quoi il ne vaudrait rien comme témoignage.

 


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