Jacques Derrida tend à étendre l'implication du témoignage d'une manière qu'il qualifie lui-même d'extraordinaire ou abusive. Chaque fois que je parle, même quand je ne cherche pas à faire une déclaration ni à énoncer une vérité, même si je ne montre de moi qu'un masque (mensonge, trahison, parjure), je témoigne toujours devant l'autre de ce qui m'est présent à moi-même. C'est un témoignage singulier, irremplaçable. En te parlant, je t'érige en représentant de la loi, je me place devant toi comme devant la loi : c'est à toi de me juger, de témoigner de mon témoignage en me croyant ou pas. Même quand je ne dis pas ce que je pense, je témoigne d'une vérité. Il est inutile pour cela de se trouver devant un tribunal, de lever la main et de dire "Je le jure". Le serment est implicite, et l'extension du témoignage légitime - car sans cela il n'y aurait pas de rapport à l'autre.