Pour analyser la notion de communication, Jacques Derrida choisit de prendre appui sur la problématique austinienne du performatif. Cela implique de reprendre à son compte, au moins provisoirement, l'opposition entre performatif et constatif [opposition qui sera ultérieurement mise en question, toute parole, y compris constative, pouvant être considérée comme un acte de langage performatif]. Dans la perlocution et l'illocution austiniennes, l'énoncé n'est pas soumis à une valeur de vérité (l'opposition vrai/faux). Il ne transporte pas un contenu sémantique déjà constitué. Il communique une force par l'impulsion d'une marque [une phrase du genre : "La séance est ouverte"]. Le référent n'est pas extérieur à l'énoncé, il opère en lui, il transforme une situation.

Lorsqu'une phrase comme La séance est ouverte est prononcée, si elle réussit, c'est un événement unique qui arrive. C'est cette séance-là, datée, avec tel ou tel participant, dans tel ou tel contexte, qui est ouverte. Mais en même temps, la phrase La séance est ouverte est conventionnelle. C'est une phrase répétée telle quelle dans toutes les circonstances analogues, une citation, une locution itérable, un énoncé codé, un graphème. Dans cette structure, l'intention initiale du locuteur est irréductiblement absente. Jacques Derrida parle d'"inconscience structurelle" : pour que l'énoncé réussisse, il faut que les autres (les interlocuteurs, les participants à l'acte) y croient, qu'ils le fassent réussir, ce qui est incontrôlable par le locuteur, quels que soient les effets de parole et de conscience.