Selon Hegel, le Juif est un coeur de pierre. Il est insensible, incapable de vivre en famille ou de comprendre un symbole concret. L'irruption de l'infini reste chez lui abstraite, désertique. Elle ne s'unit ni à l'entendement, ni à l'imagination, ne s'incarne pas dans une sensibilité. Préoccupé uniquement par l'invisible, il est étranger à l'art, à la beauté et même à l'amour. Comme le tabernacle, son foyer est une maison vide. Au centre secret du temple, il n'y a pas de coeur, il n'y a rien d'autre qu'un trou noir, sans forme et sans vie [Hegel est terrorisé par ce trou, il le vit comme une castration]. Si c'est cela l'essence juive, alors (toujours selon Hegel), elle est totalement aliénée. Son propre lui est infiniment étranger. Ce sont il jouit ne lui appartient pas, pas même les biens immobiliers, dont le supplément doit être restitué (jubilé) [inacceptable pour un philosophe qui fonde la dignité de la famille sur la propriété].

Le secret divin étant inaccessible, le Juif est exproprié. Sa vie et son corps ne lui appartiennent pas, le sacré est hors de lui. Il gère la propriété d'un autre dont il est radicalement séparé. Même le plus proche, le plus familier, se présente comme étranger et inquiétant. La présence de Dieu ne survient pas comme une vérité, mais comme un commandement. Les lois sont déconnectées de la conscience, étrangères à la raison et au progrès politique. C'est un peuple impossible à élever, à éduquer, à relever [toujours au sens de Hegel : Aufhebung]. Dans ces conditions, Moïse ne pouvait qu'échouer. Sa mort, dit Hegel, fixe la figure du judaïsme : n'ayant désobéi qu'une fois, il ne passera pas le seuil de la Terre promise. Incapables de s'envoler comme un aigle, les aiglons [les Juifs] restés collés au sol.