Pourquoi Derrida doit-il, à propos du Miracle de la Rose de Genet, proposer une définition de l'art? Quel est l'enjeu de cette question? Et si le texte de Genet n'était pas "de l'art", s'il n'était pas "artistique", si c'était simplement un texte, est-ce que ça changerait quelque chose? Difficile à dire. Mais ce qui est sûr, c'est que Derrida introduit au milieu de son analyse qui tourne autour du phallus, de la castration et de la décapitation, cette petite remarque selon laquelle le discours dépourvu d'art, le discours enseignant, serait nécessairement étouffant, [ennuyeux], continu, analogique, tandis que l'oeuvre d'art ferait circuler l'air. En juxtaposant, en improvisant, en rendant les enchaînements invisibles, elle espacerait. C'est ce que veut faire Derrida lui-même. Espaçons dit-il (p88b), introduisons dans l'écriture de l'espacement (p87b), laissons les phrases s'enrouler autour d'une direction sans la fixer (colonne tronquée, sanglante, mutilée), combiner des lignes verticales aux lignes horizontales du livre.