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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
Oeuvrement, désoeuvrement | Oeuvrement, désoeuvrement | ||||||||||||||||
Sources (*) : | Derrida, retrait, effacement | Derrida, retrait, effacement | |||||||||||||||
Lucien Coërmer - "La sagesse du milieu", Ed : Galgal, 2007, Page créée le 21 fév 2015 | Les mots de l'Orluvre | [L'acte de l'oeuvre, son oeuvrement, ne se distingue pas d'un désoeuvrement] |
Les mots de l'Orluvre | ||||||||||||||
Dans son Au-delà du principe de plaisir, Freud montre que la vie n'est qu'un chemin vers la mort. Si elle s'en distingue, ce n'est que par un effet de retard, une différence de forces et de chemins. La vie et la mort, la-vie-la-mort, sont indissociables. Oeuvrer, c'est jouer sur cette indissociabilité, cet hymen. Le démiurge de Platon, dans le Timée, peut être lu et interprété comme une figure à la fois aurorale et crépusculaire de cette indissociabilité, création - désagrégation, oeuvrement - désoeuvrement.
1. Le démiurge : pas d'oeuvrement sans désoeuvrement. Dans la théorie comme dans l'opération derridiennes, l'oeuvrement est indissociable du désoeuvrement. Ce point de vue est théorisé dans plusieurs textes, et notamment, dans la préface de Jacques Derrida au livre de Serge Margel : Le Tombeau du Dieu artisan (1995) qui porte sur le Timée de Platon, un texte qu'on peut interpréter comme promesse d'oeuvre (ergon) par cette entité énigmatique qu'est le démiurge (dem-iourgos). Cette préface, significativement intitulée Avances, est aussi un texte sur le concept d'oeuvre. cf : Avances (Jacques Derrida, 1995), suivi de "Le Tombeau du Dieu artisan", de Serge Margel [Avances].
2. Deuil et désoeuvrement. cf : [Derrida, le deuil].
3. Porter le monde de l'autre. cf : Béliers. Le dialogue ininterrompu : entre deux infinis, le poème (Jacques Derrida, 2003).
4. Littérature et poésie. Pour Hélène Cixous, ce qui caractérise la puissance de la littérature, sa toute-puissance ou sa toute-puissance-autre (pour employer son vocabulaire), c'est qu'elle prive le lecteur de toute possibilité d'appropriation ou de décision. Entre la réalité et la fiction, entre ce qui reste caché et ce qui se montre, la limite est indécidable. Le lecteur est contraint de se retirer de toute souveraineté, d'accueillir l'hétéronomie. Marc Crépon avance une problématique analogue dans les textes qu'il consacre à la poésie de Celan et à ce qu'il appelait, en 2001, les promesses du langage. User du langage comme d'un réservoir d'effets rhétoriques, en fonction de l'efficacité et de l'effet attendu des mots, c'est une violence, une instrumentalisation de la langue. Pour se dégager de cette "affirmation souveraine" qui se met toujours au service de la reconnaissance d'un talent ou d'un soi-disant "génie" poétique (c'est-à-dire en l'occurrence du moi), un poème doit accomplir un "pas en retrait". Tombant de son piédestal, s'éloignant de toute sacralité, il ne se distingue plus d'"une poignée de mains", selon le mot de Paul Celan. Il n'est plus qu'un "signe donné au prochain" (Lévinas), ou encore, il creuse une incertitude, un rien, un arrêt qui ouvrira la possibilité d'une rencontre de l'autre. "Rien n'exige davantage de tension, celle-là même qui caractérise l'écriture de Celan, avec ses blancs, ses silences, ses ellipses et ses interruptions, que ce "signe de rien" ou de "complicité pour rien" que signifie, entre autres, une poignée de main" (La Vocation de l'écriture, p107). Dans ce retrait dans le rien, qu'on peut aussi nommer caresse (comme le fait Marc-Alain Ouaknin qui reprend ce mot d'Emmanuel Lévinas), réside une pensée de la responsabilité. Le poème ne "dit" rien, mais son "dire" s'adresse à un autre dont il ne sait rien, et sur lequel il n'a aucune maîtrise. Quant au poète, il se sépare de lui-même, se dessaisit de son moi. Ainsi la poésie, comme toute oeuvre, ouvrirait un mode singulier de la transcendance, définie comme une résistance à tout jugement, toute appropriation. En préservant l'inanalysable, le schibboleth, l'oeuvre s'ouvre inconditionnellement au secret, au schibboleth de l'autre. C'est cette incondition qui, en tant qu'elle atteste de l'humain, aurait été l'élément commun entre Celan, Derrida, Lévinas, Blanchot.
5. Arts graphiques. Si les Souliers de Van Gogh, comme ceux de la scène inconnue nommée Arnolfini peinte par Van Eyck en 1434 (où leur fonction est étrange, ininterprétable aujourd'hui) ne font rien, ne sont rien, n'accomplissent rien d'autre que de s'ajouter au monde comme un pur supplément qui délimite autre chose, laquelle autre chose est déterminée par un idiome qui leur est étranger, en quoi l’acte de l’œuvre, l’œuvrement, se distingue d’un désœuvrement? Dès qu'ils sont transformés en oeuvres, les objets sont désoeuvrés en tant qu'oeuvres, dit Derrida (VEP p323). Ils sont défunts, détachés.
6. Le désoeuvrement absolu. N'importe quel travailleur, artisan, artiste ou technicien peut connaître une telle expérience. S’il n’a plus rien à faire, le voici soudain impuissant, destitué, forcé à une mort symbolique, dans la situation de ce deuil extrême dont parle parfois Derrida : CITATION : «Rompre avec cet Un sans laisser de trace, pas même une trace de départ, pas même le sceau d’une rupture, voilà la seule décision possible, voilà le suicide absolu et le sens premier qu’il peut y avoir à laisser vivre l’autre, le laisser être, sans même escompter le moindre bénéfice de ce retrait du voile ou du linceul» (Un ver à soie, Points de vue piqués sur l’autre voile, in Contre-Temps 2/3, 1997. Texte daté de novembre 1995).
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-------------- Propositions -------------- -Seule une pensée qui n'use pas du langage comme d'un réservoir d'effets rhétoriques, qui se retire devant lui, qui renonce à sa maîtrise, peut prétendre à l'universel -Loin de favoriser une quelconque affirmation souveraine, la poésie accomplit, chaque fois, un pas en retrait -La responsabilité du poème, sa promesse, c'est d'aller vers un Autre, de garder le cap du retrait dans le rien sans lequel jamais l'autre ne viendrait -La transcendance n'a pas d'autre sens que l'ouverture à l'infini par laquelle le poète se sépare de lui-même, se dessaisit de son moi -Interpréter un texte, c'est le caresser sans le saisir, se retirer devant lui, le laisser se dérober -Un tableau est un reste, le pur supplément de l'opération qui appelle ce qu'il supplée comme son propre supplément -La puissance propre à la littérature consiste à vous donner à lire, grâce à la grâce qui vous est faite de vous retirer de toute souveraineté, de tout pouvoir de décision -Partir sans laisser d'adresse est la bénédiction ultime : laisser l'autre survivre sans la surcharge d'un héritage, sans le poids d'un deuil |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Lucien OeuvDesoeuv AA.BBB DerridaRetraitLB.LLK MotsOrloeuvreFD.MML DB_OeuvDesoeuv Rang = NDesoeuvrementGenre = MK - NG |
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