Quelle que soit la date retenue pour ses débuts (Charlemagne, la Renaissance ou le milieu du 19ème siècle), la modernité a toujours été double. Les contemporains s'en sont rendu compte de manière indirecte : un facteur hétérogène et envahissant semblait parasiter la nouvelle époque, mais ce facteur opaque et quelque peu effrayant restait innommable (et d'ailleurs il le reste encore, même si des mots comme posthistorique ou postmoderne contribuent à ouvrir la question). Peut-être l'idéologie des Lumières, avec sa quête d'un progrès linéaire et sans bornes, a-t-elle contribué à retarder la prise de conscience. En tous cas, à un certain moment, ce facteur a fait irruption.

Commençons par préciser la fourchette de date :

- 1890 : Suicide de Van Gogh.

- 1910 : Kandinsky écrit "Du spirituel dans l'art".

Evidemment, ces dates sont arbitraires. On aurait pu choisir 1895-1905, ce qui aurait concentré le propos, ou 1865 - 1917, ce qui aurait mis le tableau de Courbet, l'Origine du monde, qui le mérite bien, au commencement du processus. Si j'ai décidé de retenir la fourchette moyenne, c'est parce qu'elle encadre quelques événements notables : révolution machinique et industrielle, invention de la psychanalyse (1898), présentation de la théorie de la relativité (1905), révolution cézannienne (la coupure est postérieure à 1895, Cézanne est mort en 1906), invention de l'art abstrait, commencements du cubisme, début du questionnement récurrent sur la définition de l'art - transformé en son propre objet -, mutation épistémologique dans l'histoire de l'art, émergence de ce qu'on a appelé le modernisme. Elle n'efface ni la fouchette large, ni la fourchette étroite, mais c'est un honnête point de départ.

Bien entendu ces éléments factuels ne suffisent pas pour répondre à la question : Que s'est-il passé exactement? Un facteur hétérogène, souterrain depuis longtemps (sous la Révolution française, il avait déjà montré le bout de son nez de manière cruelle), a fait irruption dans le champ de l'art, peu avant de montrer sa terrible capacité destructrice pendant les deux guerres dites mondiales (qui étaient avant tout des guerres européennes, révélatrice de la faille quasi-sismique qui traversait l'Europe).

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Propositions

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