Thierry de Duve relit l'antinomie kantienne du jugement de goût en substituant systématiquement le mot "art" au mot "beau". Par cette substitution, un jugement de goût est remplacé par une phrase à prétention ontologique ou épistémologique.

C'est exactement ce à quoi conduit le readymade. L'auteur du readymade (l'artiste), comme le spectateur, juge un objet en le nommant "art" (ou non-art). Ils sont dans la même position car l'acte de l'artiste est réduit à un jugement : "Ceci est de l'art".

Ce jugement est

- "sans concept" car il ne requiert aucun apprentissage, aucune maîtrise technique, aucune obéissance à des règles ou conventions. Il renvoie à une idée esthétique inexponible, une idée de l'imagination que l'on ne peut prouver par la logique. C'est un nom propre.

- "conceptuel" car l'idée d'art est une règle universelle, même si on ne peut pas l'énoncer. On croit à l'art comme à une idée rationnelle démontrable. On suppose que l'homme ou la femme (modernes) possèdent la faculté des idées artistiques/esthétiques, spéculative ou transcendantale.

Réplique réalisée en 1961 d'un readymade fait par Man Ray en 1920.

A tout homme du commun, on attribue le génie en sus du goût, ou l'idée de l'art comme nom propre.