Dans leur phase analytique, Braque et Picasso ont cherché à représenter la réalité en conceptualisant le volume tridimensionnel. Ils se sont heurtés à une difficulté : la planéité picturale s'est imposée jusqu'à éclipser la profondeur. Comme ils voulaient s'en tenir à une peinture de représentation et d'illusion, ils ont multiplié les trouvailles (trompe-l'oeil, introduction de matériaux étrangers, collage) pour préserver l'écart entre une illusion qui se dérobait et des moyens de plus en plus abstraits. Une solution s'est présentée à eux : représenter l'illusion de profondeur en tant que telle, comme attribut désincarné, exproprié, détaché de tout le reste. La manière d'atteindre le relief et la profondeur est devenue le vrai sujet du tableau.

Ce fut la phase hermétique de 1911-12. Le collage a été un point culminant de cette tendance dans laquelle illusion et représentation semblaient devenir incompatibles (remplacées par une présence immédiate du matériau). Mais les deux peintres ont décidé d'en rester à la représentation. Dans le cubisme synthétique développé par Picasso en 1913-14, après avoir inventé la sculpture-construction en 1912 (une guitare collée faite de papier et de quatre cordes), il y a allusion à une identité tridimensionnelle, sans toutefois en suggérer l'illusion.