Thierry de Duve cite Robert Musil, et aussi Marcel Mauss : "Un objet d'art, par définition, est un objet reconnu comme tel par un groupe".

Le corpus des objets d'art est extraordinairement hétérogène. On y trouve toutes sortes d'objets entre lesquels il n'y a apparemment pas de lien. La taxinomie ne permet pas d'établir sans contestation le champ de pertinence du mot art. On se tourne alors vers d'autres définitions : fonctionnaliste (l'art comme réponse à un besoin humain), ou structuraliste (l'art comme un seuil où les humains s'arrachent à leur condition de nature) ou sceptique (l'art n'est qu'une fiction humaniste), et on aboutit à une définition empirique et circulaire : "l'art est un prédicat commun à toutes les choses nommées art". Ou encore : "L'art est la somme ou la totalité des oeuvres d'art" (Richard Wollheim). La circularité de la définition, loin d'être un sophisme, est une particularité ontologique. De tautologie en tautologie, elle conduit au constat : Le concept d'art est indécidable.

Si, dans la définition, il s'agit d'un "nous" (nous désignons), alors moi aussi, je (sujet), je suis impliqué dans cette définition : est de l'art ce que je désigne sous ce nom. Je peux désigner n'importe quoi, y compris un readymade.

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Quarante ans plus tôt, Jean-Paul Sartre a donné une définition tout à fait analogue du Juif.