Derrida
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L'image chrétienne imite l'infigurable                     L'image chrétienne imite l'infigurable
Sources (*) : Les Saintes Conversations               Les Saintes Conversations
Georges Didi-Huberman - "Fra Angelico, Dissemblance et figuration", Ed : Flammarion, 1995, p8

 

Sainte Conversation, dite la Madone des Ombres (Fra Angelico, 1438-1450) -

Les pans de peinture situés sous la Sainte Conversation - fresque dite la Madone des ombres (Fra Angelico, vers 1443) - sont des surfaces d'intercession

Autres renvois :
   

A partir de Fra Angelico

   
   
                 
                       

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Pourquoi Fra Angelico a-t-il peint ces vastes pans sous la Sainte-Conversation de San Marco? Pourquoi a-t-il peint ce mur en rouge et l'a-t-il couvert du mouchetures blanches, erratiques, jetées en pluie comme une déflagration, à la manière d'un peintre abstrait d'aujourd'hui, en contraste avec la chaux blanche des murs du couvent? L'histoire de l'art au sens traditionnel (les thèmes, les motifs) échoue à rendre compte de l'étrangeté de ce qui s'y joue :

- sous l'angle iconographique, le plus facile, c'est un simple cadre ornemental, un panneau de faux marbre en trompe-l'oeil.

- une présence : dans le corridor du couvent, c'est un espace proche du regard, frontal, qui ne suppose ni point de vue, ni construction illusionniste. Cette présence perturbe l'économie ordinaire de la représentation. C'est la présence du Christ, disséminée partout, en vestiges.

- sous l'angle liturgique, le pan est à la Sainte-Conversation ce que l'autel est à un retable. L'autel est le lieu de l'intercession, l'endroit le plus sacré de l'église, qui focalise regards et contacts. Il est, lui aussi, une pierre, un pan.

- sous l'angle religieux, les taches blanches évoquent les gouttes du lait de la Vierge sur la paroi de la grotte de la Nativité ou l'enveloppe blanche de la Mise en tombeau. La projection du pigment se compare à une onction. La figure travaille à la conversion du chrétien.

- sous l'angle mystique, le marbre tacheté est une vision divine. C'est une Ecriture sainte, une pierre glorieuse, et aussi le regard de Dieu, qui observe le dévôt.

- ces images ont une efficacité. Elles intercèdent, elles en appellent à la mémoire, elles invitent à la contemplation, elles suscitent l'acte de la prière. C'est une injonction, un avertissement.

Des temps hétérogènes, anachroniques, se font image. Une pensée mystique du Vème siècle (Celle du pseudo-Denis l'Aréopagite) survit dix siècles plus tard (XVème siècle), sous un tableau qui met en scène une perspective moderne, albertienne.

Se montre aussi la dimension d'hétérogénéité qui se trouve dans toute peinture et qui a fini par envahir, à l'époque contemporaine, une grande partie de l'art de peindre.

 

 

Partie inférieure de la Madone des Ombres, dans le couvent de San Marco, corridor septentrional, telle que reproduite p8 du livre de Georges Didi-Huberman, "Devant le temps" (reproduction en noir et blanc).

 


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