Le cinéma est caractérisé par un mode de croyance absolument original, qui n'était pas possible avant lui, car il est lié à une technique particulière. Dans ce régime de crédit, différent du roman, du théâtre ou de la peinture, on croit sans croire. Ce qui apparaît sur l'écran est entouré d'une aura singulière - liée à la technique cinématographique. On peut s'y identifier, on peut l'idolâtrer (les stars). Ce qu'on nous y montre et nous y raconte est tout autre chose que le roman, le théatre ou la peinture. C'est une expérience historique de part en part, qui ne pouvait pas exister avant car elle est liée à une certaine technique. Elle porte une mémoire spécifique. Le cinéma peut travailler la référence d'un livre, d'un tableau ou d'une photographie, et réciproquement les autres arts peuvent incorporer des fantômes provenant du cinéma. Mais dans le cas du cinéma, ces fantômes ont une capacité d'adhésion singulière. Ils se répandent partout, y compris par exemple en philosophie - et la philosophie ne peut pas les ignorer. On les incorpore sans même s'en apercevoir.

Les nouveaux films sont habités par des spectres dont on ne peut pas se débarrasser. Il y a ceux qui hantent des films déjà vus, ceux que nous projetons nous-mêmes à l'écran, ceux qui proviennent de souvenirs enfouis. On ne peut jamais faire le deuil de ces fantômes, ils continuent à nous envahir.