Derrida écrit cela dans un texte intitulé Cartouches, destiné au catalogue d'une exposition de Gérard Titus-Carmel. La chose dont il est question peut-elle être appelée oeuvre d'art? C'est une boîte transparente et fermée qui fait partie de la série The Pocket Size Tlingit Coffin. Le titre nous laisse entendre qu'il s'agit d'un cercueil, mais la boîte elle-même ne dit rien. Elle se passe de discours. "J'entends que mon discours ne se mêle de rien, j'entends qu'il ne touche à rien" dit Jacques Derrida. Cela ne l'empêche pas d'en dire quelque chose; mais ce discours-là (de Derrida) vous laisse seuls avec la chose qui vous regarde. Il passe à côté d'elle en silence [double solitude de la chose et du spectateur]. Elle sait, elle [la chose, c'est-à-dire l'oeuvre], se taire.

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Ce thème de l'oeuvre d'art qui incite à une rhétorique inutile est repris par Derrida dans sa Lecture du Droit de Regards de Plissart. L'oeuvre commande le silence, et aussi, en même temps, nous met en demeure de parler, double bind qui rejoue l'écart heideggerien de l'être (la chose de l'art) et l'étant (ce spectateur trop bavard).

Savons-nous nous taire devant l'oeuvre? Pour qu'il y ait oeuvre, dit Jacques Derrida, il faut une certaine forme de silence. Si l'oeuvre elle-même est trop bavarde, alors l'art se dégrade en artDit.