Nous vivons une l'époque envahie par des puissances d'abstraction sans précédent (machines, techniques, technosciences, numérisation, formalisation, délocalisation, schématisation universalisante, télécommunication, etc...). Comment penser, dans cette époque, la religion? Il faut se retirer, dit Derrida, dans une certaine abstraction [c'est ce qu'il fait dans ce texte fort abstrait lui-même, machine philosophique répartie en 52 paragraphes - un par semaine, comme s'il fallait boucler toute une année puis recommencer]. Mais cela peut-il apporter le salut? Il y a deux types de salut chez Derrida : le salut inconditionnel, celui du Salut! performatif qui est une adresse à l'autre; et le salut religieux, qui vise à restaurer une certaine pureté, à se dégager de la contamination. Peut-on dissocier un discours sur la religion de ce second type de salut? Probablement pas. On ne peut pas échapper à la religion, qui "est à la fois dans l'antagonisme réactif et la surenchère réaffirmatrice". La foi et la technoscience, la croyance et le savoir s'opposent et s'allient, elles ont partie liée. On ne peut pas s'appuyer sur l'un pour échapper à l'autre. Dans tous les cas, on est exposé au mal d'abstraction, au mal radical qui marque notre temps.