Selon Derrida, ce dessin intitulé "Le théatre de la cruauté" est une métonymie de tout l'oeuvre d'Artaud [au masculin]. Il exhibe la boîte mortuaire, le cercueil, deux fois dédoublé. Le tombeau, maladroitement dessiné pour faire tomber l'oeil de celui qui regarde, est une provocation, un coup destiné à produire un effet sur le spectateur. Le coup se répète. La momie est commémorée, "commomifiée". La chose s'installe dans le subjectile (le support de papier), et peut être prise comme une métonymie du musée en général : ce lieu où l'on rassemble des objets qui font mal, mais qui sont bien faits. Il doit rester quelque chose de la maladresse, une restance qui peut être gardée, archivée en un lieu, exposée et reproduite. Le musée garde tout, le coup et le contre-coup, le chaos, son idéalisation et sa sublimation. Il sauve la dissonance pour les générations ultérieures. Ce qui est tombé tombe dans un tombeau qui peut être canonisé, livré au savoir académique. Dans ce lieu d'accueil, on peut garder la destruction, on peut sauver la perte, on peut racheter la chute, faire survivre le mal fait, sans craindre la contradiction.