Jacques Derrida fait une conférence sur la mémoire, Mnémosyne, pour évoquer la mémoire [justement] de Paul de Man, qui était lui-même un penseur de la mémoire et aussi de l'affirmation. Quand, à l'évocation d'un mort, nous disons que l'autre vit en nous, ce n'est pas par pur narcissisme. En lui-même, il n'est plus vivant, rien ne peut le sauver de la mort, mais dans son être en nous, dans notre mémoire endeuillée, il est un autre qui vient.

Un Oui nous engage secrètement. Ce secret n'est pas une occultation, ce n'est pas une dissimulation en mal de pouvoir, c'est un acte toujours répété, une performance qui garde la mémoire d'une trace déjà en nous. Elle ne manifeste rien de concret, elle ne définit aucun contenu, elle affirme la loi. En promettant de se lier à la mémoire, elle ouvre l'avenir.

Sommes-nous capables de faire notre deuil? En avons-nous le droit? Est-ce bien? [Peut-on prendre le risque d'effacer l'autre, de le détruire par un deuil dit réussi?] Oui, car la mémoire est endeuillée par essence (p51) [Le deuil ne sera jamais réussi]. Elle ne contracte alliance qu'avec elle-même, dans l'affirmation d'un deuil qui laisse l'autre arriver, encore, bien qu'il soit mortel. Il faut qu'il soit possible d'affirmer l'impossible et de dire que c'est bien ainsi; en tous cas nous l'affirmons.