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Derrida, la poésie               Derrida, la poésie
Jacques Derrida - "Le Cahier de l'Herne sur Jacques Derrida", Ed : de l'Herne, 2004, p533 - Poétique et politique du témoignage

 

Poete au sommet d'une montagne (Zhou Shen, vers 1500) -

Oeuvre, arrêt, différance

On ne peut pas interpréter un poème, mais on peut - sans franchir la limite de la crypte, du secret - témoigner de la puissance, plus puissante que le sens, qui est à l'oeuvre en lui

Oeuvre, arrêt, différance
   
   
   
Derrida, le secret Derrida, le secret
Derrida, une crypte               Derrida, une crypte  
Une oeuvre en appelle au témoignage d'un autre                     Une oeuvre en appelle au témoignage d'un autre    

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Jacques Derrida affirme ne pas interpréter le poème de Paul Celan, Aschenglorie, auquel il consacre pourtant ce texte très dense, d'une vingtaine de pages, qu'il intitule "Politique et poétique du témoignage". L'interpréter, ce serait s'assurer de son sens, de tous ses sens, de son vouloir-dire, ce serait tenter d'épuiser les dates et les événements auxquels il se rapporte. Mais il ne s'agit pas de cela (au contraire). Il s'agit pour Derrida de travailler en résonance avec ce dont le poème témoigne, notamment par sa dernière phrase : Nul ne témoigne pour le témoin. De même que le témoin est seul, irremplaçable, pour témoigner de ce qu'il a vu, entendu ou touché, le lecteur est seul pour témoigner de la lecture qu'il fait de ce poème. Il ne l'interprète pas, il l'invoque, il emprunte sa force poétique, sa résonance, il s'appuie sur la singularité de son corps verbal, pour faire tout autre chose que le déchiffrer.

Mais alors que peut faire le lecteur? Il peut citer, encore et encore, réciter, réciter, apprendre par coeur. Il ignore le secret du poème de quoi il témoigne, pour qui et pour quoi. Il y a là une frontière à l'intelligible, une crypte, une limite qui'il ne franchit pas. Ce qui est à l'oeuvre dans le poème [la différance] ne peut pas être décrit sur le mode du constat. La crypte est interdite, le masque de la vérité ne se manifeste qu'en tant que masque. Mais sur un autre mode (performatif), sans briser le sceau, le lecteur peut témoigner lui-même de ce rapport inventif à la langue, de cette poétique.

 

 

Quand on témoigne d'un poème [en l'occurrence Aschenglorie, ce poème sur la témoignage], l'important n'est pas ce qu'on arrive à déterminer [le sens de tel ou tel mot, ses sources, l'événement auquel il se réfère), ce n'est pas ce qui est nommé, c'est ce qu'on ne peut ni déterminer, ni arrêter. Au bord du poème est une limite étrange, inarrêtable, une ligne extravagante [cf p524] (la limite de l'interprétation) qu'on peut approcher, ou même franchir, sans jamais épuiser ce franchissement, avec la certitude qu'on n'en arrête ni le sens, ni la référence [cf p538].

 


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