Imaginons qu'une association soit fondée pour étudier la déconstruction. Il faudrait que les fondateurs établissent une charte, une déclaration, qu'ils la datent et qu'ils la signent, et il faudrait que cette déclaration engage ensuite l'association. Que devrait-elle dire? Que l'association opère sans fondement, sans finalité, sans calcul ni transaction, mais pas sans principes. Que ses marges ne sont pas fixées à l'avance, que ses limites sont mouvantes, y compris entre membres et non-membres. Qu'elle doit être inconditionnellement ouverte à l'autre, à l'hétérogène, à l'extériorité, et aussi tendue vers la généralité, l'universalité, et aussi prête à tout moment à accueillir l'événement, l'unique, le singulier. Qu'elle ne renonce ni à l'érudition, ni au savoir, ni à la performativité, mais qu'elle puisse s'en passer tout aussi bien, etc etc. Il y aurait tant de paradoxes dans cette déclaration qu'elle finirait par déclarer l'impossible même.

Quand Jacques Derrida a tenté de penser le lien qui pourrait résulter du legs de son oeuvre (X sans X : communauté sans communauté, association sans association, etc), c'est une logique d'amitié, de mouvance, voire de stricture, qu'il a retenue, incompatible avec l'appartenance.

La déconstruction ne sera jamais reconnue, elle n'ouvrira jamais la voie à des métiers, à des regroupements établis, pas même dans le domaine universitaire. Ce n'est pas un hasard si, à quelques rares exceptions près, il n'existait toujours pas, dix ans après sa mort, d'institution ou d'enseignement derridien systématique, et aucun projet vraiment original de revue. Personne ne les a empêchés ou interdits; ils n'ont simplement pas eu l'occasion d'advenir.

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Propositions

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